La première partie de la Commission d’enquête du BAPE sur le projet d’Énergie Est se terminait hier soir avec une séance sur le thème de l’acceptabilité sociale. Pour l’occasion, trois professeurs en développement régional de l’UQAR avaient été invités par la Commission à venir exposer leurs travaux sur cette notion complexe mais fondamentale dans les grands projets d’exploitation des ressources naturelles.

Lors de la séance, les chercheures Geneviève Brisson et Emmanuelle Bastien-Bouchard de l’INSPQ ont exposé les résultats d’une revue de littérature portant sur les impacts sociaux des hydrocarbures et de leur transport, exercice que l’institut vient tout juste de rendre public (https://www.inspq.qc.ca/publications/2104).

De leur côté, les professeurs Marie-José Fortin et Yann Fournis ont résumé les évolutions scientifiques dans les façons d’aborder l’acceptabilité sociale, insistant pour distinguer le processus du résultat (acceptation ou inacceptation). Questionnés quant à savoir quels facteurs influencent l’acceptation du projet Énergie Est, ils ont réalisé une première analyse avec l’aide de Quentin Salé, étudiant français en stage à l’UQAR, et Amélie Dumarcher, doctorante en développement régional. Ils résument : « d’entrée de jeux, les facteurs d’inacceptation sont les plus présents dans la couverture médiatique et le débat public ».

Ils ont ainsi dégagé quatre principaux. Il s’agit d’abord de la distribution des impacts positifs et négatifs, dont les risques sur l’eau en particulier, posant la question de l’équité entre les territoires, puis des processus de participation qui renvoient aux questions de qui a le droit de participer et d’influencer l’évolution du projet et la prise de décision? Les processus décisionnels constituent le troisième facteur d’inacceptation.

Or, comme l’explique Mme Fortin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial, sachant qu’au Québec la procédure d’évaluation environnementale constitue le mécanisme privilégié d’examen et de régulation des grands projets d’infrastructures, « la position du promoteur TransCanada de ne pas reconnaître l’autorité provinciale en la matière a été reçue comme une provocation par plusieurs groupes et a même incité à divers actions juridiques. Ce contentieux introduit plusieurs questions: le processus fédéral actuel mené par l’Office national de l’Énergie (ONÉ), est-il adapté à prendre en compte les exigences sociales et externalités comme les risques, les gaz à effet de serre ou les autres économies agricole et touristique? Qui décide pour qui finalement? Quelles sont les capacités des autorités publiques, locales et provinciales, à peser sur les intérêts de l’industrie? Peut-on faire confiance à l’État qui doit arbitrer, et assurer (justice sociale)? Toutes ces questions traversent le débat actuel. »

Enfin, le quatrième grand facteur concerne le «modèle de développement». Comme l’explique le professeur Fournis, « celui-ci renvoie au niveau plus macro de la définition de l’acceptabilité sociale que nous avons proposée et qui considère les formes historiques de l’économie et leurs modes de régulation. En ce sens, le débat actuel est clairement structuré autour de la transition, économique d’une part et énergétique, qui est relié dans le débat opposant l’industrie pétrolière plus ancienne à d’autres énergies, généralement renouvelables. Les questions sont donc posées en termes d’évolution de régimes de gouvernance des ressources naturelles. Entre autres, quelle est la cohérence entre ce projet par rapport à d’autres engagements pris par nos gouvernements, concernant la réduction des gaz à effet de serre, le projet de transition de nos économies vers moins de dépendance au pétrole et une économie plus verte? Enfin, quelle place est accordée à d’autres économies territoriales comme l’agriculture et le tourisme ? »

La deuxième partie des audiences se poursuivra dans les prochaines semaines avec le dépôt de mémoires.