Les étudiantes et étudiants en développement social et territorial ont récemment déplacé leur salle de cours dans le Haut-Pays des Basques, allant à la rencontre d’expériences territoriales innovantes et d’acteurs-clés du territoire. À la rencontre également de questions sociales classiques et fondamentales mises à l’épreuve dans le contexte de la vie quotidienne. Il s’agissait d’entrer dans l’intimité de communautés moins connues afin de comprendre ce qui fait la couleur de ces milieux souvent dépeints à l’aide de statistiques alarmistes.

Il y a un an, Lucius Belzile, originaire de St-Clément, a fait un legs testamentaire de 600 000$ au programme en Développement social : il avait apprécié la spécificité de ce programme liant théorie, terrain et communautés. « L’édition printanière de formation in situ du Département Sociétés, Territoires et Développement, en lien avec l’esprit du programme, s’est déployée au cœur de la patrie de ce généreux donateur afin de faire vivre la réflexion théorique enseignée dans les cours, de la confronter au réel, de la bousculer et, ainsi, de mieux l’intérioriser », indique la professeure Nathalie Lewis.

Cette journée de dialogue avec les acteurs et les projets de territoire souhaitait rendre vivantes des notions souvent abstraites. Des questions telles l’innovation sociale, l’action collective et la mobilisation territoriale sont des entrées scientifiques fondamentales qui traversent les formations offertes aux trois cycles d’études en développement social et territorial. « Mais ces enjeux font également partie du paysage social et intellectuel de notre région. Depuis plus de 60 ans par exemple, la mobilisation et la résistance caractérisent les villages ruraux de l’Est-du-Québec et font mentir la théorie voulant que ces mouvements soient urbains. Les Opérations Dignités ont amplement fait la démonstration que la mobilisation peut aussi s’inscrire au cœur de la ruralité ! », observe la professeure Geneviève Brisson.

Le 5 avril dernier, des questions fondamentales ont ainsi été appréhendées et nuancées. Par exemple, les moteurs du lien social, de la mobilisation collective, de l’identité et l’autonomie territoriales sont-ils différents quand il est question de milieux urbains ou ruraux ? « C’est en étant confronté à des témoignages sur l’occupation du bureau de poste de St-Clément en 1992-1993 que les étudiants se sont saisis de ces interrogations. Mobilisation populaire forte, ce moment de « résistance » amena une prise de conscience régionale sur l’importance des services publics. Dernièrement apprenions-nous, les tentatives visant à déployer des boîtes postales sur le territoire montréalais auront fait appel aux « leçons » retenues par la mobilisation de St-Clément », mentionne Mme Lewis.

Cette journée « de terrain » aura aussi permis de discuter de certaines initiatives sociales, de les découvrir et de les mettre en débat. Des discussions sur le projet d’éducation alternative de la MFR (maison familiale rurale) de St-Clément, la prise de conscience des enjeux de l’implantation de la biomasse forestière à St-Jean-de-Dieu ou une introduction au potentiel des PFNL (produits forestiers non-ligneux) à Ste-Rita sont autant d’initiatives pour assurer ce lien entre réflexions théoriques et vécu socio-territorialisé. « Ces projets sont ancrés sur le territoire par une appropriation singulière des ressources territoriales (naturelles et humaines). À travers des idées a priori techniques et pointues, ils peuvent avoir comme retombées une redéfinition des différents volets de l’action sociale, économique, territoriale. S’approprier ces ressources ne signifie pas seulement de développer une expertise à cet égard, même si celle-ci est en soi essentielle, mais plus encore cela permet de vitaliser les liens sociaux et les projets divers qui contribuent à créer un vivre-ensemble de qualité! », précise Mme Brisson.

Forts de ces réalités singulières qui permettent de comprendre l’importance de la nuance dans les jugements portés sur des réalités sociales, les étudiantes et les étudiants auront encore besoin de recul avant l’action. Pour cogiter aux enjeux de société, pour répondre à la question des possibilités réelles d’innovation sociale dans des milieux plus isolés et atypiques par rapport à des normes uniformes souvent dessinées en fonction de grands centres, la rencontre entre différents savoirs devient un atout », conclut la professeure Nathalie Lewis. Les programmes en développement social et territorial de l’UQAR tentent de s’ancrer dans ce terreau… et l’initiative pédagogique du 5 avril dernier va dans cette direction !