Les actes de violence contre les civils ont marqué quantité de conflits internationaux au cours du dernier siècle. Dans le cas de guerres civiles, désobéir aux ordres signifie même mettre sa vie en danger. Malgré cela, certains refusent tout de même de commettre des actes de violence en contradictions avec leur conscience. Dans le cadre de sa maîtrise en éthique, Virginie Beaudin-Houle pose une réflexion éthique sur la « refusance » dans les organisations et en société.

Afin d’assurer une bonne cohésion et de maintenir l’ordre, les sociétés ont besoin d’avoir une autorité qui dicte les politiques, les normes et les lois, que ce soit à l’échelle d’un pays, d’un milieu de travail ou d’un groupe. Toutefois, quand cette autorité abuse de son pouvoir, il arrive qu’un individu seul remette en question l’autorité, dans un objectif d’éveiller la conscience de ses pairs, et ce, sans avoir recours à la violence. Voilà qui définit la notion de « objecteurs de conscience ».

Pour son mémoire de recherche, Virginie Beaudin-Houle pose une réflexion sur ce refus de se soumettre à l’ordre établi. « Remettre en question les manières de faire en société constitue de plus en plus un besoin vital pour notre espèce. Prenons l’exemple de notre système économique mondial actuel, qui pousse les sociétés à toujours chercher à acquérir une plus grande autonomie. Cela fait en sorte que l’homme nuit à son environnement, par l’augmentation du nombre de voitures, par l’exploitation de ressources naturelles ou par la transformation du paysage. En éthique de la refusance, il est légitime de questionner et refuser les paradigmes de la rentabilité, du progrès, de l’autonomie, de l’individualisme, etc. », énumère la chercheure.

Dirigée par la professeure en éthique Dany Rondeau, Mme Beaudin-Houle mène un projet de recherche qui s’appuie notamment sur les travaux de philosophes bien connus comme Platon et Rousseau, mais aussi sur l’expérience en psychosociologie sociale de l’américain Stanley Milgram et sur l’analyse de la banalité du mal d’Hannah Arendt. L’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité a démontré qu’un individu peut se plier aux ordres, tout en étant en contradiction avec sa conscience. Les travaux d’Arendt révèlent pour leur part que lorsqu’un individu croit accomplir un devoir, il suit les consignes et cesse de penser.

« Souvent le refusant est considéré comme un marginal par la société, ou comme un lâche par son patron et ses collègues. Toutefois, au lieu de quitter son pays ou son emploi, il y demeure puisqu’il ressent une responsabilité envers son entourage et il recherche ultimement à rallier des gens à sa cause pour changer les choses, passant ainsi du statut de refusant à celui d’objecteur de conscience », précise Mme Beaudin Houle. « Ma démarche de théorisation de la refusance vise à trouver comment chacun peut devenir un éveilleur de conscience sans être marginalisé, et ainsi, démocratiser la réflexion sur l’agir humain, ce qu’est l’éthique, en réalité», ajoute-t-elle.

Virginie Beaudin-Houle réalise parallèlement à son mémoire de recherche un projet d’éthique appliqué pour le Mouvement d’aide et d’information SIDA Bas-Saint-Laurent (M.A.IN.S), un organisme communautaire offrant notamment du soutien auprès des personnes vivant avec le VIH/sida et leurs proches, où elle y développe un guide de conduite et un énoncé de valeurs. « Le mouvement célèbrera bientôt sa vingtième année d’existence et cette étape constitue une occasion rêvée pour remettre en question les valeurs, les objectifs et la mission de l’organisation. En plus d’être une démarche très stimulante, cette réflexion éthique permet de s’assurer que les pratiques restent en adéquation avec les valeurs du mouvement», conclut Mme Beaudin-Houle.

Il est à noter que Virginie Beaudin-Houle est la récipiendaire 2013 de la bourse thématique (maîtrise en éthique) de la congrégation des Sœurs servantes de Notre-Dame, Reine du clergé, de Lac-au-Saumon. Elle travaille également comme auxiliaire de recherche pour le Groupe de Recherche Ethos de l'UQAR.