Une équipe de chercheurs de l’UQAR et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) vient d’élucider une énigme paléontologique au sujet des milliers de petits fossiles nommés Scaumenella, qui ont été retrouvés en abondance dans les falaises fossilifères de Miguasha, en Gaspésie. Datant de 380 millions d’années, ceux-ci ont suscité l’intérêt de paléontologues européens, américains et canadiens depuis près de 80 ans.

La candidate au doctorat en biologie Marion Chevrinais et le professeur Richard Cloutier, de l’UQAR, et leur collègue Jean-Yves Sire, du CNRS, en France, ont démontré que ces petits fossiles ne sont pas une décomposition progressive de ces poissons du Dévonien supérieur de Miguasha. « La croissance proportionnelle et l’apparition progressive des éléments squelettiques ainsi que l’étendue du recouvrement d’écailles sur le corps sont corrélées avec la taille des poissons, tout comme chez des espèces de poissons actuels », explique Mme Chevrinais. « Ainsi, les changements observés sur cette série de fossiles correspondent à leur développement. »

Cette recherche paléontologique a débuté par l’observation et l’étude de plusieurs centaines de ces fossiles qui se trouvent dans les collections du Parc national de Miguasha, du Natural History Museum de Londres et des Royal Museums of Scotland d’Édimbourg. « L’utilisation de techniques variées, allant du dessin classique à l’observation par microscopie électronique à balayage et à l’analyse par spectroscopie à rayons X dispersive en énergie, nous a permis de rassembler des données à partir de 188 de ces fossiles », indique Mme Chevrinais. Cette série de croissance de fossiles est d’ailleurs l’une des mieux documentées dans le monde chez les vertébrés primitifs.

Ayant une taille variant de 4 mm à 5 cm, ces petits fossiles ont été interprétés tantôt comme des proto-vertébrés, des immatures de vertébrés primitifs et, depuis une trentaine d’années, comme des restes décomposés de poissons acanthodiens, soit des poissons à épines éteints depuis des centaines de millions d’années. « Rares sont les sites fossilifères au monde où les conditions de fossilisation inhabituelles mais exceptionnelles permettent la préservation et l’étude de larves, de juvéniles et d’adultes d’une même espèce qui vivait il y a 380 millions d’années. Le site fossilifère de Miguasha fait partie de ces exceptions. Des séries de croissance ont été identifiées pour 14 des 20 espèces de poissons retrouvés sur ce site naturel reconnu comme Patrimoine mondial de l’UNESCO », poursuit la chercheuse de l’UQAR.

Cette découverte sur les changements ontogénétiques des Scaumenella a été publiée dans la prestigieuse revue scientifique Biology Letters, le 18 février dernier. Notons que les travaux doctoraux de Mme Chevrinais portent sur l’étude des changements au cours de la croissance et qu’ils sont effectués sous la supervision du professeur Cloutier et la co-supervision de M. Sire. Une partie de ces travaux a été présentée lors du congrès annuel de la Palaeontological Association, en 2013 à Zurich, et en octobre dernier, à Berlin, lors du congrès annuel de la Society of Vertebrate Paleontology.