Une équipe de chercheurs de l’UQAR mène des travaux afin de développer une truite d’élevage plus écologique qui présente une haute teneur en oméga-3 et en antioxydants. Un poisson qui permettrait d’assurer une certaine autonomie alimentaire dans un contexte où l’industrie de la pêche commerciale fait face à d’importants défis en raison des changements mondiaux qui ont une incidence sur les océans.

Cet ambitieux projet de recherche a été lancé il y a cinq ans. Sous la direction du professeur Pierre Blier, les travaux réalisés avec les entreprises Pisciculture des Monts de Bellechasse et Aquaculture Gaspésie visent à créer un produit de niche à partir de l’omble chevalier. « Nous voulons développer une aquaculture qui respecte les contraintes environnementales et qui limite la pression sur les ressources. Présentement, pour produire du poisson, on doit pêcher du poisson. Par kilo de poisson, il faut exploiter jusqu’à cinq kilos de poisson des pêches », indique le professeur Blier.

La gestion des stocks de poisson est d’ailleurs un enjeu majeur pour l’industrie de la pêche commerciale, souligne le professeur en écophysiologie et en physiologie évolutive de l’UQAR. « Plusieurs chercheurs en océanographie considèrent que nous avons atteint le seuil de la capacité d’extraction pour la majorité des espèces commerciales. Ainsi, nous hypothéquons les populations et bientôt la pêche commerciale ne sera plus en mesure de répondre à la demande pour la consommation humaine. Il faut donc trouver un moyen de se soustraire à la pêche commerciale pour produire du poisson. »

L’équipe du professeur Blier compte développer un omble chevalier plus écologique en modifiant son alimentation. Étant un poisson carnivore, l’omble chevalier assure ses besoins en lipides (huiles et graisses) par une alimentation riche en invertébrés et en poissons. Cette alimentation naturelle contient des omégas-3, plus précisément des acides gras comme le ADH (acide docosahéxaéonique) et l’AEP (acide eïcosapentaènoïque). Ces huiles sont reconnues comme étant bénéfiques pour la santé des humains, notamment à l’égard de la prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète et de la protection du système nerveux en plus d’avoir des propriétés anti-inflammatoires.

L’équipe de chercheurs a donc tenté de remplacer les huiles de poisson par de l’huile végétale, soit de l’huile de lin, dans l’alimentation de l’omble chevalier. « À la base, l’omble ne consomme pas les huiles végétales et les huiles végétales que nous leur donnons ne contiennent pas de ADH et d’AEP. Il doit donc les produire à partir des huiles végétales consommées. Nos travaux ont permis de démontrer que cette modification de son alimentation ne modifie ni son taux de croissance ni sa santé, ce qui était deux préoccupations importantes pour nous », explique le professeur Blier. « De plus, il n’y a pas d’effet significatif sur le contenu en oméga-3 du poisson. »

Précisons que ces travaux de recherche ne consistent pas à créer un poisson génétiquement modifié. « Nous ne touchons pas aux gènes du poisson. Ce qu’on envisage, c’est une sélection artificielle, comme cela s’est fait depuis 10 000 ans en agriculture et en production animale. On va sélectionner les poissons qui ont une meilleure capacité de transformer les huiles végétales en oméga-3 de poissons et d’emmagasiner les oméga-3 », note le professeur Blier.

Un « super-poisson »

Radio-Canada a qualifié de « super-poisson » cette souche d'omble chevalier développée à l'UQAR. Les chercheurs de l’UQAR ont en outre ajouté un antioxydant, l’astaxanthine, à l’alimentation de cet omble d’élevage pour améliorer sa santé et sa valeur nutritionnelle. Produite par divers types d’algues et de planctons, l’astaxanthine est ce piment rouge qui donne la couleur rosée aux salmonidés. « L’astaxanthine a des vertus anti-inflammatoires et aide à prévenir les maladies coronariennes qui sont liées à l’alimentation. L’Institut de cardiologie de Montréal travaille avec nous afin de mesurer les effets de la consommation de notre souche d’omble chevalier sur la santé des humains », mentionne le professeur Blier.

Ultimement, l’équipe de recherche souhaite développer une truite qui sera un produit de niche au Québec. « Il s’agira d’un poisson qui respecte les conditions de développement durable, qui est exempt de contaminant et dont le contenu en oméga-3 est garanti en termes de quantité et de profil », conclut le professeur Blier.

Mentionnons que les candidats au doctorat en biologie Félix Christen et Bernard-Antonin Dupont-Cyr font partie de l’équipe de ce projet de recherche auquel sont également associés Grant Vanderberg, du Laboratoire de recherche en sciences aquatiques de l’Université Laval, Nathalie LeFrançois, du Biodôme de Montréal, Simon Lamarre, de l’Université de Moncton, et Jean-Claude Tardif, de l’Institut de cardiologie de Montréal. Ce projet novateur a obtenu le soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Fonds de recherche nature et technologies.