Il a déjà été démontré que les pôles sont les régions où les impacts des changements climatiques se font le plus ressentir. Dans le cadre de sa maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats, Florence Lapierre Poulin étudie un autre aspect inquiétant et certainement moins connu des changements climatiques : le dégel du pergélisol. Une situation qui risque d’entraîner des changements géomorphologiques importants pouvant affecter l’habitat de nombreux animaux, dont le renard arctique.

Depuis l’Île Bylot, dans la partie nord de la Terre de Baffin, Florence Lapierre Poulin étudie la vulnérabilité des tanières du renard arctique face aux changements climatiques, sous la direction du professeur en écologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique Dominique Berteaux et du professeur en géomorphologie Daniel Fortier (Université de Montréal).

« Les renards arctiques creusent et utilisent des tanières dont ils dépendent pour s'abriter et se reproduire. Dans le Haut-Arctique, ces tanières sont situées dans un sol gelé difficile à creuser, si bien qu’elles sont utilisées année après année. Les renards relèvent de la stabilité de ces tanières pour la reproduction, la mise bas et l’élevage des jeunes », explique Mme Lapierre-Poulin.

Dans le cadre des travaux de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique, certaines tanières à l’Île Bylot qui ont été suivies pendant plusieurs années montrent des signes de dégradation, ce qui soulève des questions quant à leur stabilité face aux changements climatiques.

Pour évaluer la vulnérabilité des tanières, Florence Lapierre-Poulin a d’abord caractérisé différents paramètres tels que la pente, le type de sol et la proximité des cours d’eau sur plus de 110 tanières. Puis, elle a repéré les signes d’instabilité sur celles-ci à l’aide de photographies et d’observations en hélicoptère.  « Les premiers résultats confirment que les changements climatiques ont un potentiel d’impact réel sur l’habitat du renard arctique. En effet, il a déjà été montré que les tanières les plus utilisées pour la reproduction sont celles situées près des cours d’eau, qui sont aussi celles en état de dégradation le plus rapide en raison de l’érosion côtière qui s’accentuent avec les changements climatiques », observe la chercheuse.

Ces constats pavent la voie vers d’autres études. « Au départ nous pensions que les renards seraient portés à se déplacer vers les tanières les plus stables, mais nos conclusions nous amènent aussi à nous demander si le renard n’est pas plutôt en train de profiter du sol qui dégèle pour creuser des tanières plus facilement », indique Mme Lapierre-Poulin. « Au-delà de ces résultats spécifiques aux renards de l’Île Bylot, il existe d’autres espèces qui creusent aussi dans le pergélisol comme les loups arctiques, les lemmings et les hermines, et auxquelles cette étude pourrait s’appliquer. De plus, même s’il n’est pas en déclin au Canada, le renard arctique l’est ailleurs dans le monde, par exemple en Scandinavie, et nous détenons aujourd’hui plus d’information pour mieux réagir pour la protection de son habitat s’il devenait un jour une espèce menacée », conclut-elle.