La réputée revue Science vient de publier un article du professeur d’océanographie Bjørn Sundby sur le rôle crucial d’une forme de manganèse négligée, mais pourtant abondante, dans les milieux aquatiques dans le cadre d’une étude sur les sédiments de l’estuaire du Saint-Laurent.

Ressemblant au fer, le manganèse est un métal dit de transition gris-blanc qui s’oxyde facilement. Il en existe trois formes dans l’environnement –  manganèse (II), manganèse (III) et manganèse (IV) – et leur différence dépend de leur état d’oxydation ou du nombre d’électrons dans l’atome. À l’image du fer qui se transforme en rouille à la suite de la perte d’électrons au contact de l’oxygène, la perte ou le gain d’électrons produit une réaction d’oxydoréduction du manganèse.

L’étude réalisée par le professeur Sundby, de l’ISMER, et ses collègues océanographes George Luther, de l’École des sciences et des politiques maritimes de la Faculté des sciences de la terre, des océans et de l’environnement de l’Université du Delaware, et Alfonso Mucci, de l’Université McGill, a permis de faire la lumière sur les phénomènes chimiques qui affectent le comportement et l’abondance du manganèse dans les milieux naturels.

« Le manganèse joue un rôle important dans les milieux aquatiques », explique le professeur Sundby. « En fait, il s’agit d’une substance nutritive essentielle à la plupart des organismes et qui participe à la production d’oxygène par les plantes pendant la photosynthèse. »

Les auteurs de cet article publié dans la revue Science ont prélevé des échantillons des fonds océaniques dans l’estuaire du Saint-Laurent, à l’est de Tadoussac et dans le fjord du Saguenay. Les travaux de prélèvement ont été effectués sur Le Coriolis II en 2009 et en 2010.

« L’estuaire du Saint-Laurent est particulièrement riche en oxydes de fer et en manganèse », observe Bjørn Sundby. « Nos résultats ont révélé que le manganèse (III) constitue jusqu’à 90 % du manganèse total dissous. Donc, cette forme dissoute du métal est présente dans d’autres milieux marins où les taux d’oxygène varient, et non seulement dans la colonne d’eau de la mer Noire où le professeur Luther en avait fait la découverte il y a quelques années. »

Dans le cadre de l’étude, des prélèvements ont également été effectués dans des marais salants du Delaware. « Dans tous les cas, nous avons trouvé du manganèse. Ce qui nous porte à conclure que tous les sédiments marins en contiennent », mentionne le professeur Sundby.

Fait à souligner, la recherche a permis d’identifier le chaînon manquant dans le cycle du manganèse permettant de comprendre les liens entre la biologie, la géologie et la chimie dans les milieux océaniques. Dans les modèles de manganèse connus jusqu’alors, les scientifiques avaient omis de distinguer le manganèse (II) et le manganèse (III), ayant pris pour acquis que les concentrations de manganèse total dissous provenaient du manganèse (II). Aussi, les auteurs de la recherche proposent que le modèle conceptuel du cycle d’oxydoréduction des sédiments soit révisé pour y inclure le manganèse (III) dissous.

Intitulée Abundant porewater Mn(III) is a major component of the sedimentary redox system, l’étude des scientifiques canadiens et américains a été publiée dans le numéro du 23 août 2013 de la revue Science. Mentionnons que l’auteur principal est le candidat au doctorat Andrew Madison, de l’Université du Delaware

Bien que retraité, Bjørn Sundby possède le statut de professeur à l’Institut des Sciences de la Mer de Rimouski et celui de professeur adjoint du département des Sciences de la Terre & des Planètes à l’Université McGill. Il est toujours actif en recherche et ses projets sont subventionnés par le CRSNG.