Des biologistes de l’UQAR viennent de démontrer que la région du Nord-du-Québec est particulièrement sensible aux impacts climatiques des éruptions volcaniques. Une percée scientifique importante dont les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue américaine Proceeding of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS).

L’étude signée par le candidat au doctorat en biologie Fabio Gennaretti, le professeur Dominique Arseneault et leurs collègues Antoine Nicault (Université d’Aix-Marseilles), Luc Perreault (Institut de recherche d’Hydro-Québec) et Yves Bégin(INRS-ETE) reconstitue les températures estivales de cette région du Québec depuis l’an 910. Pour ce faire, ils ont récolté quelque 2000 arbres enfouis dans une série de lacs de la taïga du Québec.

Les chercheurs ont basé leur étude sur l’analyse des cernes annuels de croissance de ces arbres, dont la largeur dépend en partie des températures pendant l’été. Une fois tombés dans des lacs, comme ceux de la taïga québécoise, ces arbres peuvent être conservés pendant plusieurs millénaires.

« Nos résultats démontrent que les plus fortes éruptions volcaniques du dernier millénaire ont refroidi le climat du Nord-du-Québec pendant une ou deux décennies », explique M. Gennaretti. « Des éruptions successives ont même causé des refroidissements abrupts qui ont persisté plusieurs décennies, supportant ainsi une importante hypothèse sur l’origine des périodes froides dans la région du nord-est de l’Amérique du Nord. »

Les éruptions volcaniques refroidissent le climat planétaire, en particulier les très fortes éruptions qui projettent des gaz et des poussières jusque dans la stratosphère à plus de 10 kilomètres d’altitude, indique le professeur Arseneault. « Une fois dans la stratosphère, les émissions des volcans sont redistribuées dans les deux hémisphères du globe. Celles-ci provoquent la formation de fines goulettes d’acide sulfurique qui réfléchissent les rayons du soleil. »

La communauté scientifique est divisée quant à la durée et à l’amplitude des périodes froides d’origine volcanique. « Même si la plupart des études suggèrent que les plus fortes éruptions du dernier millénaire ont seulement causé des refroidissements de moins de dix ans, quelques études avancent un refroidissement plus long à cause de l’inertie des océans. Des éruptions successives pourraient créer une accumulation de glace dans l’Arctique qui pourrait ensuite influencer le climat de l’Atlantique Nord pendant quelques décennies », mentionne Fabio Gennaretti.

Cette hypothèse est supportée par les résultats de l’article Volcano-induced regime shifts in millennial tree-ing chronologies from northeastern Nord America où les auteurs comparent la croissance des arbres puisés dans les lacs du Nord-du-Québec aux années des pics de sulfates d’origine volcanique qui se sont déposés dans les couches des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.

« Une série de quatre éruptions rapprochées entre 1225 et 1285, dont celle en Indonésie du Samalas en 1257 qui fut la plus forte éruption du dernier millénaire, a provoqué une réduction abrupte et prolongée des températures au début de la période froide du Petit Âge glaciaire », souligne le professeur Arseneault. « De même, les éruptions successives d’un volcan inconnu en 1809 et du Tambora, en 1815, ont mené à la plus froide période de 40 ans du dernier millénaire. Aux moins six autres éruptions isolées auraient chacune provoqué des refroidissements persistants de 10 à 20 ans. »

Cette étude publiée dans la revue PNAS indique, enfin, que la période médiévale qui a précédé l’éruption du Samalas a été plus chaude que la période actuelle dans le Nord-du-Québec. « Toutefois, si la tendance au réchauffement que l’on observe depuis 1850 se poursuit encore une dizaine d'années, nous surpasserons alors les températures les plus chaudes du dernier millénaire. En 150 ans, soit au cours de la période industrielle, nous serons alors passés des températures les plus froides suivant l'éruption du Tambora aux températures les plus chaudes du dernier millénaire, un fait qui appuie l'hypothèse de l'impact humain sur le réchauffement récent des températures », conclut M. Gennaretti.