Les professeures Mélanie Gagnon et Catherine Beaudry ont déposé un mémoire à la Commission de l’économie et du travail dans le cadre des consultations publiques sur le projet de loi 176, qui a modifié la Loi sur les normes du travail lors de son entrée en vigueur le 12 juin dernier. En conclusion de leur mémoire, elles prônent des changements à la Charte des droits et libertés afin de considérer la situation de famille comme un motif de discrimination.

Environ 20 % de la population du Québec âgée de 15 et plus agit comme proche aidant. À l’échelle canadienne, les personnes âgées entre 45 et 54 ans représentent 24 % des proches aidants et les 55 à 64 ans 20 %. L’aide à leurs proches peut être d’ordre psychologique, émotionnel ou physique.

Bien que le statut de proche aidant soit dorénavant reconnu dans la loi,  selon les deux chercheuses de l’UQAR, la prise en charge d’un proche devrait davantage être considérée afin d’éviter l’appauvrissement des proches aidants.

Dans leur mémoire, Mmes Gagnon et Beaudry proposaient de bonifier l’article 79.7 afin de faire passer à 15 le nombre de journées d’absence rémunérées pour les proches aidants. En outre, en considérant l’imprévisibilité de l’état de la personne aidée, elles soutiennent que le fractionnement des journées de travail en heures et en demi-journées devrait se faire sans le consentement de l’employeur afin de permettre une véritable conciliation travail/famille/aide aux proches. « Si la loi prévoit maintenant deux journées rémunérées pour ces absences, elle prévoit expressément le droit de l’employeur de demander au salarié un document attestant du motif de l’absence, ce qui constitue une contrainte supplémentaire pour les proches aidants », mentionne Mélanie Gagnon, professeure en relations industrielles.

« Le gouvernement pose un geste important en introduisant des dispositions favorisant l’articulation des temps sociaux des travailleurs, mais il faut aussi considérer l’ensemble du parcours de vie de ces derniers. Avec le désengagement de l’État, les proches aidants assurent plus de 80 % des soins à domicile. Or, les responsabilités confiées aux familles ne devraient pas avoir pour conséquence de menacer leur vie professionnelle », indique la professeure en gestion des ressources humaines Catherine Beaudry.

Afin de favoriser une réelle articulation travail-famille-soins, le gouvernement devrait garantir les droits fondamentaux des personnes proches aidantes, estiment les chercheuses de l’UQAR. Pour ce faire, elles proposent que l’article 10 de la Charte des droits et libertés soit modifié afin que la situation familiale soit reconnue comme un motif de discrimination et que les proches aidants aient une reconnaissance de leur rôle dans l’espace public.

« Un enrichissement des droits individuels des aidants par l’entremise des accommodements en vertu de la Charte québécoise permettrait de répondre aux spécificités de chaque cas, d’autant que les besoins sont évolutifs dans le temps », mentionne la professeure Mélanie Gagnon. « L’obligation d’accommodement pourrait peut-être faire en sorte que les aidants, plutôt que de décrocher pour une retraite anticipée, demeurent au travail plus longtemps, minimisant du coup les impacts financiers négatifs sur leur retraite. »

Le mémoire déposé à la Commission de l’économie et du travail s’appuie sur deux recherches menées au cours des deux dernières années sur la conciliation travail/famille/aide aux proches. Une quarantaine de personnes proches aidants en emploi et plus de 1900 employeurs ont participé à ces recherches qui ont permis de brosser un portrait de la situation des proches aidants en regard à leurs obligations professionnelles et sur la perceptions des employeurs sur les pratiques de conciliation travail/famille.