L’Université du Québec à Rimouski vient d’aménager l’un des laboratoires les plus nordiques du monde. Grâce à un partenariat avec le ministère de la Défense nationale, l’Université a établi ce laboratoire d’étude de la faune à la station militaire d’Alert, à quelque 800 kilomètres du pôle Nord. Une infrastructure qui ouvre un nouveau chapitre dans la recherche nordique à l’UQAR.

Alert est situé à l’extrême nord de l’Île d’Ellesmere, au Nunavut. Le Canada y opère une station météorologique depuis 1950. Relevant de la base militaire de Trenton, la Station des Forces canadiennes Alert joue un triple rôle de renseignement sur les transmissions, de maintien de la souveraineté, et de soutien à la science. Jusqu’à 150 personnes y vivent, dont environ 70 en hiver.

Dans l'ordre habituel, Gabrielle Roy, le professeur François Vézina, Charline Couchoux, Justine Drolet, le professeur Dominique Berteaux, Sandra Lei et Audrey Le Pogam. Absente sur la photo : Émilie Desjardins.Dans l'ordre habituel, Gabrielle Roy, le professeur François Vézina, Charline Couchoux, Justine Drolet, le professeur Dominique Berteaux, Sandra Lei et Audrey Le Pogam. Absente sur la photo : Émilie Desjardins.Selon le recteur de l’UQAR, Jean-Pierre Ouellet, l’établissement du laboratoire à la station Alert est une reconnaissance importante de l’expertise de l’Université en nordicité. « La nordicité est l’un de nos axes d’excellence. L’UQAR est l’une des universités les plus dynamiques quant à la recherche sur les enjeux du développement durable du Nord et le calibre des travaux de nos chercheuses et de nos chercheurs est mondial. »

La signature d’une entente pour l’établissement d’un laboratoire scientifique à la station Alert fait suite à une collaboration entre l’UQAR et Environnement Canada. « Depuis 2015, nous nous rendons à Alert pour étudier les oiseaux. Nous y avons développé des liens qui nous ont menés à signer une entente avec la Défense nationale qui nous permet d’avoir un pied-à-terre à Alert et d’y installer des équipements scientifiques de pointe », indique le professeur François Vézina.

Le biologiste de l’UQAR n’a pas eu trop de difficulté à trouver ses repères dans le laboratoire scientifique de la station Alert. En fait, c’est le laboratoire qu’il utilisait pour ses recherches au campus de Rimouski qui a été déménagé jusqu’à la station de la Défense nationale. « Mon laboratoire a dû être démantelé en raison des travaux de réaménagement qui ont eu lieu à l’UQAR. Mais, grâce à la collaboration du Service des terrains, bâtiments et de l’équipement, j’ai pu récupérer le mobilier et il a été expédié à Trenton, puis aéroporté à Alert. Le laboratoire a été reconstitué dès la première semaine de la saison 2018 », précise François Vézina.

De nouvelles perspectives de recherche

Ne se rend pas qui veut à la station militaire d’Alert, qui est le lieu habité en permanence le plus au nord de la planète. Pour y accéder, il faut avoir l’autorisation de la Défense nationale. C’est en mai dernier que le professeur Vézina et son collègue Dominique Berteaux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique, se sont envolés vers Alert à bord d’un avion militaire de type Hercules pour y aménager le laboratoire et mener des recherches sur les changements climatiques et la faune arctique. Une demi-douzaine d’étudiantes en biologie les ont accompagnés.

Le laboratoire de l’UQAR de la station Alert ouvre la voie à de nouvelles perspectives en recherche sur la nordicité. « Cela nous donne accès à un environnement exceptionnel qui est habituellement quasi inaccessible. Les chercheuses et les chercheurs de l’Université vont pouvoir étudier la migration de différentes espèces, la récupération physique après la migration, les moyens de survie des espèces résidentes en hiver, les adaptations au froid, les effets des changements climatiques sur l’écosystème », explique le professeur Berteaux.

En outre, les équipements dont est pourvu le laboratoire permettent d’effectuer sur place des analyses qui, habituellement, se font au retour des chercheuses et des chercheurs. « Par exemple, je dois utiliser toutes sortes d’instruments pour obtenir des données physiologiques sur les oiseaux, qu’il s’agisse d’imagerie par échographie ou de mesures de consommation d’oxygène. Alors même si on est à 800 kilomètres du pôle Nord, j’ai accès à  l’électricité et à une salle chauffée pour faire des analyses sur le terrain », note le professeur Vézina.

La présence de l’UQAR à la Station des Forces canadiennes Alert est aussi une bonne nouvelle pour le ministère de la Défense nationale, souligne l’officier de l’environnement de la 8e escadre Andrew Tam. « La collaboration avec les spécialistes de l’UQAR va nous aider à étudier les espèces présentes à Alert et à suivre les directives concernant les espèces sauvages en péril. Leur expertise est très importante pour aider le Canada à poser les gestes nécessaires à la préservation des espèces menacées. » Les chercheuses et les chercheurs de l’UQAR vont d’ailleurs réaliser un plan de gestion de la biodiversité pour la Défense nationale.