Au tout début de la vingtaine, un jeune homme de Lévis issu d’une famille de la classe ouvrière, se prend à analyser ce qu’il fera dans la vie tout en regardant comment fonctionne la société. Alors qu’il n’avait pas complété ses études collégiales, il rencontre alors Jacques D’Astous, conseiller aux communications de l’UQAR à Lévis, qui accepte de l’inscrire à l’université en échange que celui-ci complète sa formation collégiale à distance.

Ce sera le point de départ de la formidable aventure de Nicolas Blais, aujourd’hui professeur agrégé à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et cofondateur de CPA Sans Frontières, organisme qui offre bénévolement des services professionnels dans des champs d’expertises reconnus des CPA auprès d’ONG et d’organismes au service des populations dans le besoin en dehors du Canada, tout en soutenant le développement à long terme de compétences locales. Un comptable humaniste doté de superbes valeurs.

Pourquoi avoir choisi l’UQAR campus de Lévis pour vos études universitaires en 1997?

Pour la proximité géographique. À l’époque, nous étions au Collège de Lévis sur le cap avec vue sur le fleuve, dans un environnement magnifique où les classes étaient de dimension humaine.

Quels souvenirs conservez-vous de votre passage à l’UQAR?

Nous étions de jeunes révolutionnaires et nous avions milité pour avoir un vrai campus bien à nous. Nous avions également travaillé à mettre en place notre propre association étudiante autonome de celle de l’UQAR à Rimouski. Le résultat est fort intéressant, car cela a abouti sur ce qu’est devenue l’UQAR aujourd’hui et ce brassage d’idées aura été bénéfique à la fois pour l’UQAR et sa communauté au campus de Lévis.

Mon émancipation, le passage à la vie adulte, aura été grandement influencé par cette implication à titre de président de l’association étudiante. Avant cela, j’étais plutôt assis dans le siège du spectateur. Cela a été le déclencheur de l’ensemble de mes autres implications. J’ai découvert un milieu où j’étais bien et j’ai choisi de m’impliquer activement dans l’université.

La qualité de l’enseignement était remarquable. Nous étions de très petits groupes de 8 ou 10 étudiants en sciences comptables, le corps enseignant était très proche de nous.

Si vous aviez à identifier une personnalité marquante durant votre formation à l’UQAR, de qui parlerait-on et pourquoi?

Le professeur Emmanuel Garon me stimulait fortement intellectuellement et il a eu un impact très important dans ma trajectoire. Comme je suis arrivé à l’UQAR sur une base adulte à 21-22 ans au trimestre d’hiver en sciences comptables, celui-ci m’avait interpelé à la toute fin du 1er cours et m’avait dit bien honnêtement que cela allait être difficile, que je partais de bien loin. Cela m’avait vraiment piqué au vif. Je suis rapidement devenu ami avec monsieur Garon et il fut en quelque sorte mon mentor durant mon passage à l’UQAR.

Comme suite à l’obtention de votre baccalauréat en sciences comptables en 2000, vous avez choisi de migrer rapidement vers Montréal afin d’entreprendre une carrière d’auditeur pour la firme Deloitte. Pourquoi ce choix?

Je voulais essayer de faire mes classes dans la grande ville de Montréal alors que j’avais obtenu un transfert du bureau de Québec vers celui de Montréal.

Après votre passage de quelques années chez Deloitte, vous avez choisi d’œuvrer dans un univers complètement différent, celui du monde du spectacle et du divertissement, pour le Festival international de Jazz de Montréal, les Francofolies et Spectra Musique, pour ensuite compléter cette période de votre vie professionnelle à titre de Vice-président Finances pour ComédiHa! à Québec. Que motivait ce changement d’univers, du bureau comptable au monde du spectacle, et ce, même si vos fonctions étaient quand même liées à la comptabilité?

Avant d’être comptable, j’étais musicien! J’ai même fait des tournées et 4 albums ! Lorsque je suis entré chez Deloitte, j’ai repéré tous les mandats reliés à la musique, au spectacle et aux arts de la scène et j’ai demandé à être affecté au sein de ces équipes-là, ce qui m’a été accordé. Durant ces quelques années, j’ai alors pu développer un bon réseau de connaissances du milieu et l’opportunité est apparue pour le Festival international de jazz de Montréal et les Francofolies. Ma conjointe étant de Lévis, et dans une volonté de nous rapprocher de la famille, j’ai accepté de me joindre à ComédiHa! à Québec en 2011 où j’ai accepté un poste de vice-président finance.

Pour le dernier tiers de ma carrière, je voulais concrétiser un rêve et devenir professeur d’université en sciences comptables. J’ai obtenu un poste à l’UQTR quelques mois plus tard.

Durant votre passage chez Spectra, vous avez passé un mois à Dungu en République démocratique du Congo pour l’organisme Terre Sans Frontières, organisme intervenant auprès de communautés de pays du Sud, pour assurer un accès durable à toutes et à tous à l’éducation, à la santé et à des revenus décents. Vous deviez y appuyer des organismes locaux en comptabilité. Parlez-nous de votre expérience là-bas et des motivations qui vous ont poussé à vous investir de la sorte?

C’est atypique en effet! J’étais rendu à un moment de ma vie où je voulais redonner aux autres. J’ai alors lancé quelques bouteilles à la mer auprès de différents organismes dont Médecins du monde, qui eux m’ont référé à Terre sans Frontières. J’y ai trouvé un partenaire parfait, car les besoins en comptabilité pour des missions auprès des ONG sont très importants et personne n’offre ce service-là gratuitement. À titre de CPA, je suis parti là-bas un mois, en congé sans solde, pour aller les aider sur le terrain pour leurs missions humanitaires. Cela a pris une telle ampleur que nous avons fondé l’organisme CPA Sans Frontières qui œuvre dans plusieurs pays tels que la Tanzanie, Haïti, le Sénégal et le Burundi.

On entend souvent certains préjugés à l’effet que les comptables sont parfois froids et austères. Vous faites littéralement voler en éclat cette rumeur par vos actions. Est-ce une fierté pour vous?

Totalement ! Je suis très impliqué auprès de l’Ordre des CPA et j’ai fait partie de leur dernière campagne publicitaire à l’automne  2018 à sur le thème «Je suis plate». Je fais d’ailleurs beaucoup de conférences dans les écoles pour démystifier la profession, pour dire que l’on peut faire ce que l’on veut une fois que l’on connaît les bases de la gestion, des finances et de la comptabilité. Les besoins sont très grands dans plusieurs domaines.

En 2013, vous avez cofondé l’organisme CPA Sans Frontière et en êtes aujourd’hui Premier vice-président. La mission de cet organisme consiste à regrouper les comptables professionnels agréés désireux d’organiser ou de participer à des missions en aide au développement à l’extérieur du Canada. Cette organisation offre également de façon bénévole des services éducatifs dans les divers champs d’expertise des comptables professionnels en plus d’effectuer des interventions axées sur l’éducation en matière d’information financière, d’audit et de certification, de gestion, de stratégie et de gouvernance, de fiscalité et de finance. D’où est venue cette magnifique idée?

Je redonne au suivant tout simplement et c’est plaisant de constater que mon petit projet d’origine vit aujourd’hui par lui-même. Je considère cela comme un legs pour les générations futures. Nous avons fait des recherches et une telle organisation n’existe nulle part dans le monde!

Aujourd’hui professeur agrégé au département de comptabilité de l’Université du Québec à Trois-Rivières, vous encouragez vos étudiantes et étudiants en comptabilité à faire des stages dans les communautés de certains pays en développement, particulièrement en Haïti et au Sénégal. Expliquez-nous votre projet.

L’entrepreneur en moi trouvait que l’idée fonctionnait très bien comme OBNL. Pourquoi ne pas en faire autant à l’école? On a donc créé un cours-stage de 6 crédits où je pars en Afrique avec mes étudiants travailler bénévolement durant 3 semaines sur le terrain. Avant le départ, il y a une préparation de 6 mois incluant le plan de financement, les levées de fonds et la documentation sur les besoins de l’organisme qu’ils vont aider. Au retour, il y a rédaction d’un rapport et une conférence sur leur expérience vécue là-bas. En tout, les étudiantes et étudiants font environ 8 à 10 mois de bénévolat pour y arriver.

L’année dernière, lors du congrès annuel de l’Association canadienne des professeurs en comptabilité, vous avez reçu une prestigieuse distinction, le Prix Howard Teall, pour l’innovation en enseignement de la comptabilité. Cette distinction est remise annuellement à des professeurs qui mettent en place des activités éducatives originales, qui offrent aux étudiants des opportunités d’apprentissage, et qui enseignent la comptabilité d’une manière qui sort de l’ordinaire. Cette reconnaissance par les pairs est-elle une fierté pour vous?

Oui, car c’est un très gros congrès pancanadien avec des gens provenant du monde entier et là, tes pairs te disent que le projet que tu as mis en place est une grande innovation pour la profession. Cela vient confirmer que ce projet est hautement pertinent et cette distinction vient lui donner un sceau de crédibilité. Maintenant, je souhaite l’exporter dans d’autres universités à travers le Canada.

Votre parcours professionnel est teinté d’un bel humanisme et d’un fort sentiment de solidarité. En faisons-nous suffisamment selon vous ?

Cela appartient à chacun. Je ne porte pas de jugement là-dessus. Des gens font de grandes choses, mais ne le disent pas. Pourquoi ne pas en faire un petit peu plus tout le monde? À titre d’exemple, décembre dernier, le 25 au matin, au lendemain où mes jeunes ont reçu beaucoup de cadeaux, à la place de fêter, on est parti avec des sac à dos plein de bas, de tuques et de mitaines et nous nous sommes dirigés vers le parc Émilie-Gamelin à Montréal pour en faire la distribution aux gens dans le besoin. Ma fille de 8 ans a eu une belle leçon de vie par cette action humanitaire cette journée-là. On essaie d’inculquer ces valeurs dans notre famille immédiate. Ma conjointe fait partie de Dentistes Sans Frontières et nous avons adopté notre garçon d’un orphelinat d’état du Vietnam, ce qui fait que nous avons une belle famille multicolore!

Que diriez-vous aux étudiants actuels de l’UQAR?

Saisissez le moment que vous avez pour vous impliquer, pour explorer ! Vous avez une chance inouïe! Passez à l’action, vous serez surpris à quel point les portes s’ouvrent pour des jeunes qui ont de l’initiative.

Prix Howard Teall pour l’innovation en enseignement de la comptabilité

Pour le dévouement d’un candidat de créer des activités d’apprentissage originales et d’encourager les étudiants à saisir les occasions d’apprentissage futures, et qui adopte une méthode d’enseignement de la comptabilité unique en son genre.