Le quotidien des enseignantes et des enseignants a été particulièrement perturbé par la COVID-19. Une étude réalisée par les professeurs Catherine Beaudry et Frédéric Deschenaux lève le voile sur les impacts de la pandémie sur leur travail et leur rapport à leur profession.

Retour en mars 2020. Après une pause de deux semaines, les élèves du Québec étaient invités à suivre leurs cours à distance. Une nouvelle réalité pour eux et leurs enseignantes et leurs enseignants. Puis, en mai, un retour en classe encadré par plusieurs mesures sanitaires était annoncé. Divers aménagements ont alors été effectués rapidement dans les écoles, et ce, dans un contexte de pénurie de personnel qualifié en enseignement et de négociation des conventions collectives.

Quelques jours avant la fin de l’année scolaire, les professeurs Beaudry et Deschenaux ont sondé le personnel enseignant du préscolaire, du primaire, du secondaire, de la formation générale des adultes et de la formation professionnelle des quatre coins du Québec pour savoir comment ils ont vécu ces dernières semaines. En tout, 1683 personnes à l’embauche d’un centre de services scolaires ou d’une école privée ont participé à l’étude.

Plus de 87 % des personnes répondantes ont dit avoir expérimenté le télétravail lors de la fermeture des écoles en mars. Plus de 45 % ont vu leur temps de travail augmenter. « Les difficultés à concilier le travail et la famille se sont avérées importantes ou très importantes pour plus du tiers des personnes participantes (37,8%). Les résultats soulèvent également un manque de formation pour faire face aux changements », indique la professeure en gestion des ressources humaines Catherine Beaudry.

La grande majorité (77 %) des personnes répondantes ont mentionné ne pas avoir reçu de formation en télétravail, alors qu’un peu plus de 42 % n’ont pas eu de formation sur l’enseignement à distance. « Lorsqu’elles ont effectivement eu accès à une formation, moins de 8 % des personnes indiquent que celle-ci répondait très bien à leurs besoins. Qui plus est, la majorité des réponses soulignent que le matériel nécessaire au télétravail était inaccessible, insuffisant ou inadapté et que le personnel n’a pas été soutenu pour le développement du matériel pédagogique », soulève le professeur en sciences de l’éducation Frédéric Deschenaux.

Plus de 80 % des enseignantes et des enseignants ont affirmé ne pas détenir ou ne détenir que partiellement les compétences pour exécuter leurs tâches en mode non présentiel. « Cela dit, le personnel enseignant souligne l’importance de l’entraide entre les collègues pour le développement du matériel pédagogique. Les résultats révèlent également que celles et ceux qui ont été formés ou informés sur les modalités du télétravail, l’ont été très majoritairement par les directions d’école qui ont joué un rôle important dans certains cas en termes de soutien », précise la professeure Beaudry.

À l’exception de la région du Grand Montréal, un retour des élèves en classe a eu lieu en mai dans plusieurs écoles. Près du quart des personnes ayant participé à l’étude ont alors repris le travail en présentiel en appliquant les mesures sanitaires exigées par la Santé publique. Un peu plus de 60 % des enseignantes et des enseignants sont arrivés à respecter la plupart du temps ou en tout temps ces mesures et à avoir eu accès au matériel de protection nécessaire.

« Encore une fois, le temps de travail a augmenté pour près de la moitié des personnes de retour en classe (47,2 %), en comparaison à la situation pré-pandémie. Par ailleurs, 48,9 % des personnes répondantes ont mentionné ne pas avoir été consultées sur les changements à apporter pour leur retour en classe. Plus du tiers (37,4%) n’a bénéficié d’aucune aide ou d’une aide qui ne répondait pas à leurs besoins pour organiser physiquement leur classe », ajoute le professeur Deschenaux.

L’étude des deux professeurs de l’UQAR s’est également attardée à la santé des enseignantes et des enseignants. Près de la moitié des personnes sondées, soit 43,9 %, ont constaté une dégradation de leur santé psychologique en télétravail pendant la fermeture des écoles. Les personnes de retour en classe ont été moins nombreuses (22,4 %) à ressentir cette détérioration de leur santé mentale au moment de la pandémie. « Le contact avec les élèves et les collègues explique probablement cette différence, alors que le télétravail risque davantage de mener à l’isolement », note la professeure Beaudry.

Cette fin d’année scolaire mouvementée a mis à l’épreuve la motivation des personnes sondées à poursuivre leur travail d’enseignant. Avant la pandémie, on comptait 5,5 % des personnes répondantes qui songeaient souvent à quitter leur profession et plus du quart (28,5 %) y pensaient parfois. « Cette intention de quitter la profession s’accroit au moment de la pandémie, alors que 14 % y songent désormais souvent et 30,5 % parfois », relève le professeur Deschenaux.

Enfin, la motivation du personnel enseignant à l’égard de leur profession pendant la pandémie s’avère très similaires, qu’il n’ait été qu’en télétravail ou qu’il soit retourné en classe. « Comme la deuxième vague que connaît actuellement le Québec fait perdurer ces conditions difficiles, ce contexte laisse présager des difficultés importantes pour les enseignantes et les enseignants, les directions d’école et les centres de services scolaires. La réflexion sur les conditions d’exercice en enseignement gagne donc à se poursuivre », conclut la professeure Beaudry.