Les milieux naturels comme le fleuve Saint-Laurent représentent une très grande richesse. Si celle-ci peut facilement être évaluée par les recettes de certaines activités commerciales, comme le tourisme ou le transport, il est plus difficile d’évaluer la valeur liée à la protection environnementale. L’étudiante en gestion des ressources maritimes Roxane Boquet vient de déposer les résultats de ses recherches qui chiffrent cette valeur non marchande à plus de 25 millions de dollars par année, uniquement pour la zone du Parc marin Saguenay-Saint-Laurent.

Dans le cadre de sa Stratégie maritime, le gouvernement du Québec s’est engagé en juin 2015 à protéger 10 % de la superficie de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent d’ici 2020 par le biais de projets d’aires marines protégées, comme celle du Parc marin Saguenay-Saint-Laurent, la seule zone maritime officiellement protégée au Québec. Toutefois, la valeur de la protection des ressources naturelles est difficile à comparer d’un point de vue financier avec la valeur des projets de développement économique, où les évaluations sont chiffrées en dollars. 

Roxane Boquet a déposé en décembre 2015 son mémoire de recherche de maîtrise portant sur l’estimation des valeurs non marchandes du Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. L’analyse a été réalisée avec la collaboration de plus de 25 experts du milieu marin du Québec et du Canada. « Nous avons d’abord répertorié l’éventail des « services » non marchands que le Saint-Laurent procure : régulation du climat, séquestration du carbone atmosphérique dans les océans, beauté du paysage, observation des oiseaux, etc. Puis, en comparant avec plusieurs études d’évaluation environnementale réalisées antérieurement dans d’autres régions du globe, nous avons pu établir une valeur annuelle en dollars par hectare pour chaque service. Ce montant représente concrètement le prix que l’on est prêt à payer pour protéger les ressources », explique-t-elle.

Pour toute la zone du Parc marin Saguenay-Saint-Laurent, qui s’étend sur 1245 km2 du village des Escoumins à celui de St-Fidèle dans Charlevoix et jusqu’à Sainte-Rose-du-Nord dans le fjord du Saguenay, les résultats conduisent à une valeur non marchande considérable, estimée environ de 27 à 32 millions de dollars par année. « Certains éléments ont été déterminés comme les plus sensibles par le panel d’experts, comme la protection de certaines espèces de poissons et de crustacés en importante baisse ou encore la protection de la biodiversité, comme les pouponnières à bélugas. Les aspects de la régulation du climat et des opportunités touristiques figurent aussi parmi ceux ayant la plus grande valeur non marchande. En revanche, la beauté du paysage serait moins déterminant », précise Mme Boquet. 

« Dans le cadre de projets de développement économique, comme celui du terminal méthanier sur le site du port de Gros-Cacouna, les décisions des parties prenantes se fondent essentiellement sur la comparaison de valeurs différentes. Ainsi, cette approche a été développée afin de donner une valeur en dollars à la protection de l’environnement, et de l’intégrer alors dans la prise de décisions », souligne-t-elle. Soulignons que Mme Boquet a fait sa maîtrise sous la direction du professeur Claude Rioux, directeur du comité de programmes d'études avancées en gestion des ressources maritimes.

Avant sa maîtrise en gestion des ressources maritimes, Roxane Boquet s’est d’abord inscrite au diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en gestion des ressources maritimes. Au terme du DESS, elle a réalisé un stage auprès de l’organisme Stratégie Saint-Laurent, qui regroupe les comités de zones d'intervention prioritaire (ZIP) du Québec. « J’ai eu le mandat de documenter la perception des riverains du fleuve face aux projets d’implantation de futures aires marines protégées au Québec, mais aussi les mesures de gestion qui en favoriseraient une plus grande acceptabilité sociale. Ce stage a pavé la voie de mon parcours en recherche », conclut-elle.