La professeure Sastal Castro Zavala est une spécialiste en intervention féministe intersectionnelle et interculturelle. Dans ses recherches, elle collabore avec plusieurs organisations communautaires et tables de concertation pour favoriser l’égalité de genre, la justice sociale et la réussite de l’immigration en région. Portrait d’une chercheuse engagée.

Originaire du Mexique, la professeure Castro Zavala s’intéresse depuis des années aux enjeux de la violence conjugale, particulièrement lorsqu’elle touche des femmes immigrantes avec des statuts migratoires précaires. Elle a d’ailleurs consacré sa thèse de doctorat en travail social, réalisée à l’Université Laval, aux pratiques des intervenantes en maison d’hébergement auprès des femmes immigrantes en utilisant une analyse intersectionnelle.

C’est en 2009 qu’elle s’est établie au Québec. « Je voulais faire mon doctorat avec une perspective différente et cela passait par un autre pays », indique celle qui a enseigné la psychologie pendant six ans au Mexique et qui a travaillé comme intervenante et formatrice dans des maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale au Québec.

Au Canada, la prévalence de la violence conjugale chez les populations immigrantes varie selon le sexe, le temps de séjour et le contexte, observe la professeure Castro Zavala. « Les femmes immigrantes sont plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale que les hommes immigrants. De plus, les femmes immigrantes récentes issues de pays dits en voie de développement rapportent un taux de violence conjugale plus élevé comparativement à celles issues de pays dits développés qui sont au pays depuis plus longtemps. » Les femmes immigrantes avec des statuts précaires sont en outre surreprésentées dans les refuges pour les victimes de violence.

Dans le cadre de ses travaux de recherche, la professeure en travail social collabore avec des organisations communautaires et des tables de concertation pour améliorer les interventions auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale. Le statut d’immigration, la crainte d’être stigmatisée, l’isolement, la peur de perdre la garde de son enfant, l’accès limité aux services de santé, la difficulté à trouver un emploi et les dettes accumulées sont autant d’enjeux auxquels font face plusieurs femmes immigrantes victimes de violence conjugale.

« Il s’agit de situations complexes et c’est pour cela qu’il est essentiel de bien former les personnes qui interviennent auprès d’elles. Il faut que les intervenantes aient une bonne connaissance des valeurs et des croyances des femmes immigrantes, mais aussi du parcours migratoire et des processus d’intégration à la société d’accueil », mentionne la professeure en travail social. « Il y a beaucoup de travail de terrain à faire pour avoir des données. Il est important d’avoir un portrait des besoins des femmes hébergées, mais aussi des besoins des organismes afin de savoir comment ils peuvent être mieux soutenus face à cette nouvelle réalité. »

La croissance de l’immigration au Québec a contribué à l’augmentation du nombre de demandes en maison d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. D’ailleurs, la professeure Castro Zavala mène présentement une recherche en collaboration avec deux maisons d’hébergement spécialisées dans l’intervention auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale, soit la Maison pour femmes immigrantes et L’interElles. Cette recherche financée par Femmes et Égalité des genres Canada vise à contribuer à améliorer les pratiques de collaboration entre les maisons d’hébergement et la protection de la jeunesse pour que les services répondent mieux aux besoins des mères immigrantes, réfugiées et nouvellement arrivées, victimes de violence conjugale et dont les enfants ont été signalés à la protection de la jeunesse.

Des pistes pour faciliter l’intégration

Depuis 2021, la professeure Castro Zavala mène des travaux dans la région de Chaudière-Appalaches auprès des personnes immigrantes nouvellement arrivées. Dix personnes établies depuis moins de cinq ans ont témoigné, dans le cadre d’une recherche, de leur expérience et des rencontres de mobilisation ont été organisées avec une vingtaine de personnes immigrantes et une douzaine d’intervenantes œuvrant dans des organismes dédiés à leur accueil.

La recherche a permis d’établir plusieurs facteurs influençant l’intégration immigrante. « Le contexte de ruralité, l’appartenance à un groupe racisé, le statut migratoire, le pays d’origine, la maîtrise de la langue et le fait d’être une femme sont déterminants », souligne la chercheuse en travail social. Des pistes de recherche ont aussi émergé du projet afin de faciliter l’intégration des personnes immigrantes. Parmi celles-ci, mentionnons le rôle des organismes d’accueil et des employeurs de la région, les besoins d’adaptation des services offerts aux populations immigrantes et la compréhension des réalités et des besoins des femmes qui immigrent pour accompagner leur conjoint.

Membre du Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural, Sastal Castro Zavala adhère entièrement à sa philosophie qui s’appuie sur la combinaison des connaissances universitaires et le vécu des personnes. « Le milieu de la recherche, les milieux de pratique et les personnes qui vivent certaines difficultés psychosociales ont tout intérêt à collaborer pour croiser leurs savoirs et faire avancer les connaissances. C’est la meilleure façon pour comprendre et réaliser des recherches qui portent sur les enjeux qui répondent aux besoins exprimés. »

Ce souci de comprendre la réalité des organisations et des personnes avec qui elle travaille se traduit également dans l’enseignement de la professeure Castro Zavala. « J’encourage mes étudiantes et mes étudiants à s’imprégner de la réalité des enjeux sociaux qui les intéressent. J’invite souvent des partenaires dans mes cours afin de les sensibiliser aux réalités vécues par les intervenantes, les intervenants et les personnes qui bénéficient de leurs services. C’est essentiel d’être ancrée dans son milieu », conclut-elle.