De concert avec les communautés de Grise Fiord et de Kugluktuk, une équipe de l’UQAR mène des travaux de recherche visant à trouver des solutions aux risques côtiers liés aux changements climatiques en Arctique. Encore peu étudié au Nunavut, cet enjeu est néanmoins crucial pour le mode de vie des Autochtones qui y résident.

Ce sont des membres des communautés de Grise Fiord et de Kugluktuk qui ont contacté le professeur de géographie David Didier pour réaliser des projets de recherche sur les risques côtiers. « Les projets ont été rédigés en concertation avec le hameau de Grise Fiord et l’Association des trappeurs et des chasseurs Iviq ainsi qu’avec le hameau de Kugluktuk et son bureau de développement économique. La mise en commun de nos connaissances a permis de mettre de l’avant des projets de recherche collaboratifs en fonction des besoins des communautés », souligne le spécialiste en risques côtiers.

L’équipe dirigée par le professeur David Didier a passé trois mois au Nunavut, de juillet à septembre, pour récolter des données à Grise Fiord et à Kugluktuk. « Il y a très peu d’études sur les risques côtiers dans le Haut-Arctique. Dans les deux cas, les communautés font face à la réduction du couvert de glace de mer, à la submersion côtière, à l’érosion côtière, à des vagues qui ont de plus en plus d’amplitude et qui modifient le littoral. Dans un contexte où le pergélisol est en retour affecté par ces aléas, on se retrouve dans une combinaison complexe de processus qui affectent les habitants au quotidien », explique le professeur de géographie.

Depuis les années 1990, la communauté de Grise Fiord constate que le couvert de glace de mer se retire plus rapidement au printemps et se forme plus tardivement à l’automne. « Cela fait en sorte qu’il y a plus de jours où les tempêtes génèrent des vagues sur l’eau et sur la côte. On ne parle pas nécessairement de plus de tempêtes, mais on sait qu’elles touchent la côte plus souvent. Les Inuits se retrouvent dans une situation où ils ne peuvent pas sortir les bateaux pour aller chasser les mammifères marins parce qu’il y a trop de vagues, et ce, presque tout le temps », précise le professeur Didier.

En plus de trouver des solutions à des aléas comme l’érosion de la plage – un espace névralgique pour cette communauté de quelque 130 personnes –  et la submersion des infrastructures routières, le projet de Grise Fiord fournira des données permettant de mieux encadrer le développement d’un port, de mieux orienter l’aménagement du territoire et d’avoir un meilleur accès à l’eau pour effectuer des activités comme la pêche et la chasse.

Du côté de Kugluktuk, la population d’environ 1500 personnes est confrontée à des problèmes d’érosion qui affectent des îles abritant des lieux de culte et qui sont prisées par les campeuses et les campeurs pendant la saison estivale. « Après nos travaux sur le terrain, on a constaté que le delta de la rivière Coppermine est en érosion majeure et que le littoral recule. Par ailleurs, il y a du pergélisol qui est affecté par divers facteurs au quotidien, et sur le long terme en raison du réchauffement climatique », note le professeur Didier.

En plus de drones, l’équipe a utilisé plusieurs instruments pour mener ses travaux, dont des instruments placés sous l’eau pour mesurer les vagues, des caméras de surveillance permettant un suivi en temps réel des côtes et des stations pour mesurer les changements de la température du sol. Mentionnons que le Service hydrographique du Canada et la Commission géologique du Canada (CGC) collaborent activement aux projets avec des instruments de pointe et le partage de données satellitaires.

Les travaux de recherche vont se poursuivre au cours des trois prochaines années. « Notre objectif est d’avoir une compréhension de l’évolution de la côte pour les communautés inuites et d’être en mesure de faire des projections sur l’érosion et la submersion dans les années à venir. Ultimement, nous voulons développer des stratégies d’adaptation en réfléchissant avec les communautés locales. Le fait d’avoir une gestion locale des projets, par les membres des communautés, permet d’avoir une plus grande implication et de développer une expertise sur place », conclut le professeur Didier.

Ces projets sont financés par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord du gouvernement du Canada. L’équipe de recherche est constituée de partenaires locaux, dont Amon Akeeagok et Susie Qaunaq (IVIQ HTA), Terry Noah (Ausuittuq Adventures) et Marissa Mercurio (Hameau de Kugluktuk) ainsi que plusieurs chercheuses et chercheurs, dont Stéphanie Coulombe, Jasmine Tiktalek et Gabriel Ferland (POLAR) ainsi que Jordan Eamer et Alexandre Normandeau (CGC). En plus de la contribution de l’équipe de la professeure Maya Bhatia (Université d’Alberta), Antoine Boisson (postdoctorat), Charles Jourdain Bonneau (baccalauréat en géographie), Julie Major (maîtrise en géographie), Samuel Auger (maîtrise en géographie) et Denis Dubuc (agent de recherche) de l’UQAR ont mené le projet sur le terrain. Notons, enfin, que d’autres équipes de l’Université réalisent des travaux de recherche à Tuktoyaktuk, à Cambridge Bay et dans plusieurs villages du Nunavik.