À l’heure où les changements climatiques font consensus, aussi bien dans la communauté scientifique que dans la population, les ingénieures et ingénieurs peuvent jouer un rôle de premier plan pour assurer la transition écologique et une gestion durable des ressources, à condition de mieux définir la responsabilité éthique de ces professionnels face à l’environnement, soutient l’étudiant à la maîtrise en éthique à l’UQAR campus de Lévis, Marc-Antoine Dionne.

Les membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) ont bien sûr des obligations légales et des responsabilités à l’égard du développement durable. Ces obligations sont bien définies dans leur code de déontologie : « dans tous les aspects de son travail, l’ingénieur(e) doit respecter ses obligations envers l’homme et tenir compte des conséquences de l’exécution de ses travaux sur l’environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne ». Toutefois, pour l’ingénieur de formation, il est nécessaire de distinguer les obligations légales de la responsabilité éthique en matière d’environnement.

« Au-delà du respect des normes et des lois en vigueur, il est nécessaire de fournir des outils concrets, particulièrement aux étudiantes et aux étudiants en ingénierie, pour les forcer à réfléchir à l’impact à long terme de leurs interventions, par exemple sur le climat, sur la qualité de l’air, sur la quiétude des personnes, etc. Leur formation couvre bien des aspects connexes à l’ingénierie, comme le respect des budgets ou la sécurité du public, mais fournit peu de pistes pour réfléchir de manière critique et structurée sur l’impact environnemental de leur pratique », souligne M. Dionne.

Sous la direction de la professeure Dany Rondeau, qui s’intéresse notamment à l’éthique professionnelle et organisationnelle, l’étudiant en éthique procède actuellement à un examen de la littérature scientifique afin de mieux cerner la définition de la responsabilité de l’ingénieur. Le chercheur note que la tension identitaire entre le statut de professionnel régi par un code de déontologie et celui de salarié au service d’un employeur peut poser un problème éthique important. 

« En réalisant des travaux obéissant aux exigences d’un employeur, l’ingénieure et l’ingénieur peuvent être poussés à prioriser l’organisation pour laquelle ils travaillent et à agir au détriment des exigences de leur profession. Les paramètres technico-financiers priment généralement sur les questions de développement durable, aussi bien du côté des employeurs que des organisations qui font appel à des firmes d’ingénierie », déplore-t-il.

Au-delà du code de déontologie, la profession d’ingénieur est fondée sur quatre grandes valeurs, soit la compétence, le sens de l’éthique, la responsabilité et l’engagement social. « Ces professionnelles et professionnels ont un pouvoir important sur la transition écologique. Si la déontologie réfère aux normes et aux devoirs, les valeurs sont davantage une motivation à agir dans un sens plutôt qu’un autre. Le fait de créer une nouvelle valeur, comme la protection de l’environnement, par exemple, permettrait peut-être d’actualiser les normes et pratiques afin qu’elles soient en adéquation avec les valeurs de la société du 21e siècle », souligne M. Dionne.

Programme multidisciplinaire ouvert aux diplômées et diplômés de toutes les disciplines, la maîtrise en éthique se distingue par son équilibre entre la dimension théorique et la dimension pratique de l’éthique, abordant notamment les questions déontologiques, de délibérations éthiques, d’éthique organisationnelle et d’éthique professionnelle.

« Pour les personnes en emploi qui sont préoccupées par la dimension éthique de leur profession, le programme permet de construire une réflexion de façon à devenir de meilleurs professionnels et, ainsi, de meilleurs citoyens », conclut Marc-Antoine Dionne, dont les travaux devraient être disponibles d’ici la fin de l’année 2023.