Améliorer le bien-être et la santé au travail

La professeure Mahée Gilbert-Ouimet est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les risques psychosociaux au travail. (Photo : Stéphane Lizotte)

« Ma mission, c’est d’aider les milieux de travail », lance d’emblée la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les risques psychosociaux au travail (anciennement la Chaire de recherche du Canada sur le sexe et le genre en santé au travail) et professeure en sciences de la santé, Mahée Gilbert-Ouimet. Son équipe s’intéresse plus particulièrement aux conditions de travail pouvant avoir des effets néfastes sur la santé mentale et sur les maladies cardiovasculaires et métaboliques, comme le diabète de type 2.

« Les problèmes de santé mentale, cardiovasculaire et métabolique sont parmi les principales causes de morbidité et de mortalité des adultes en âge de travailler mondialement », rappelle-t-elle. Mieux prévenir les maladies chroniques en réduisant des stresseurs fréquents et modifiables appelés risques psychosociaux du travail (RPS), voilà, ultimement, le but des travaux de la chaire qui a vu le jour en 2020 et qui vient d’être renouvelée.

« Les travailleuses et travailleurs sont plus à risque de développer des maladies chroniques selon leur exposition à certains RPS. Grâce aux travaux réalisés jusqu’ici, nous savons, par exemple, que les femmes sont plus exposées aux RPS et qu’elles sont plus susceptibles de développer des problèmes de santé mentale. Nous savons aussi que les femmes bénéficient d’une certaine protection biologique contre les risques de maladies cardiovasculaires et métaboliques jusqu’à la ménopause, mais que la prévalence s’atténue une fois passé le cap des 45 ans », précise la chercheuse.

Les travaux permettent d’identifier les stratégies visant à réduire les RPS dans les milieux de travail, de mesurer les bénéfices des mesures d’atténuation sur la santé et, éventuellement, d’ajouter les risques psychosociaux dans les lignes directrices de santé publique puisque leur réduction exerce une influence directe sur la santé des personnes. 

La professeure Gilbert-Ouimet explique : « Des recherches et des activités de transfert des connaissances auxquelles j’ai collaboré ont appuyé l’élaboration de deux normes novatrices de prévention, appliquées par des centaines d’entreprises pour améliorer la santé des personnes employées. Il s’agit de la norme Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé et au mieux-être en milieu de travail et de la norme canadienne Santé et sécurité psychologiques en milieu de travail. Plus récemment, les travaux de mon équipe, ainsi que ceux d’autres chercheuses et chercheurs, ont contribué à la reconnaissance des RPS dans la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Cette loi impose désormais aux employeurs québécois l’obligation légale de mesurer et de contrôler ces risques ».

Quels sont les risques psychosociaux?

Les RPS en milieu de travail sont multiples : la surcharge de travail (demande psychologique), la faible latitude décisionnelle (marge de manœuvre), le manque de reconnaissance (respect, estime, perspective de promotion, rémunération) et de soutien social des collègues et de la personne superviseure ainsi que les longues heures de travail. À cela, il faut ajouter les exigences émotionnelles reliées à l’emploi, les stresseurs numériques (visioconférence, courriels, notifications en tout genre) qui viennent brouiller la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la gestion du changement et la qualité empêchée (savoir ce que nous avons à faire, mais en être empêché par manque de ressources). D’autres risques sont en lien avec le genre, comme la proche aidance ou le statut économique.

L’adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail a mené l’équipe de la chaire à répondre aux besoins des milieux de travail en ajoutant des risques psychosociaux liés à la violence au travail, au harcèlement psychologique et sexuel, à la violence physique, à la violence conjugale et familiale et aux événements à potentiel traumatique à sa programmation de recherche.

Un outil d’évaluation automatisé 

La chaire a produit un questionnaire validé afin de mesurer les risques psychosociaux du travail et d’évaluer leurs répercussions sur le bien-être et la santé des travailleuses et travailleurs. Ce questionnaire, accessible gratuitement aux chercheuses et chercheurs, répond aux exigences de la loi et inclut les risques émergents. Il a récemment été intégré aux outils numériques de différents partenaires technologiques québécois, afin d’automatiser les portraits des risques psychosociaux des équipes de travail. Cet outil intègre également un répertoire de suggestions concrètes de pratiques organisationnelles fondées sur des données probantes issues d’études interventionnelles. 

L’équipe de la chaire a établi des contacts avec des intervenantes et intervenants d’un peu partout dans le monde. Le questionnaire sera traduit en espagnol et en anglais et possiblement en grec. Mahée Gilbert-Ouimet rêve d’élargir son bassin d’études et de faire bénéficier les citoyennes et citoyens du monde de ses découvertes. 

Une partie de l’équipe de recherche et des collaboratrices de la professeure Gilbert-Ouimet, Nada Doulfoukar, étudiante à la maîtrise à l’UQAR, Manon Truchon, professeure à l’Université Laval, Valérie Hervieux, professeure adjointe à l’Université de Montréal, Karine Aubé, professionnelle de recherche à l’UQAR, Léonie Matteau, étudiante au doctorat à l’UQAR, Lillia Bouhalassa, professionnelle de recherche à l’UQAR, et la professeure Mahée Gilbert-Ouimet. 

Prochaines étapes pour la Chaire

Au cours des cinq prochaines années, l’équipe de la professeure Gilbert-Ouimet profitera des partenariats technologiques qu’elle a noués avec des entreprises d’offre de service de soutien en santé afin de collecter massivement des données. « Celles-ci permettront de raffiner la compréhension des risques et d’être de plus en plus précis dans nos analyses et nos recommandations afin que les employeurs et des personnes employées puissent améliorer leurs stratégies de prévention, explique-t-elle. Éventuellement, nous développerons des algorithmes de prédiction en fonction des RPS auxquels sont exposés les travailleuses et travailleurs. Nous serons en mesure de faire des prédictions précises et des recommandations d’action pour les milieux de travail et ainsi d’agir sur ce qui est le plus susceptible d’atténuer l’influence des RPS. » 

Mme Gilbert-Ouimet veut également se rapprocher du monde clinique afin de sensibiliser les médecins. « Imaginez, dit-elle, que les patientes et patients soient sensibilisés, par les personnes intervenantes cliniques du monde de la santé, au fait que leur environnement de travail joue un rôle sur la santé mentale, métabolique et cardiovasculaire, au même titre que le tabagisme ou l’inactivité physique. »

Au Canada, ces problèmes engendrent des coûts annuels de plus de 75 milliards de dollars, principalement en raison de pertes de productivité au travail.

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