La possibilité qu’une éclosion de grippe aviaire déclenche une épidémie touchant les humains, voire une pandémie, est une source de préoccupations. Le réseau Précrisa mène des travaux pour que la communauté de recherche du Québec et ses partenaires puissent mieux s’y préparer afin d’éclairer les décideurs et la population dans la prévention et la gestion de ce qui pourrait devenir une nouvelle crise menaçant la santé.
Le virus de la grippe aviaire hautement pathogène de type H5N1 interpelle la communauté scientifique. Aux États-Unis et ailleurs dans le monde, le virus qui affecte principalement les oiseaux d’élevage et sauvages se propage de plus en plus chez les mammifères, incluant les humains qui les côtoient. « Le virus H5N1 sévit depuis près de trois ans au Québec en touchant les oiseaux sauvages et certains élevages aviaires. Un système de surveillance par plusieurs organismes provinciaux et fédéraux est en cours. Des préoccupations sont aussi présentes quant à son adaptabilité à de nouveaux hôtes et de possibles nouveaux variants », indique la directrice de Précrisa, la professeure et chercheuse en santé communautaire Lily Lessard.
Le réseau Précrisa travaille en amont des problèmes avec ses membres et partenaires. « Nous voulons couvrir les angles morts pour lesquels nous n’avons pas beaucoup de données pour que les décisions et les actions puissent mieux tenir compte des connaissances scientifiques. Notre démarche s’intéresse non seulement à la santé humaine, mais aussi à la santé animale et à celle des différents écosystèmes, car tout est interconnecté. De 60 à 70 % des nouvelles infections chez l’humain seraient d’origine animale », précise la professeure Lessard.
Faciliter la recherche pour prévenir les crises
Les travaux en cours incluent un projet de recherche s’inscrivant dans l’approche « Une seule santé ». Financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, il est dirigé par la professeure Hélène Carabin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en épidémiologie et une seule santé de l’Université de Montréal (UdeM), la professeure Lessard, et la docteure Caroline Quach-Thanh, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention des infections de l’UdeM. D’autres chercheuses et chercheurs de l’UdeM et de l’Université Laval (UL) sont aussi impliqués ainsi que plusieurs organisations, dont l’Institut national de santé publique du Québec, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation et celui de la Santé et des Services sociaux du Québec.
Une trentaine de fermes laitières et une vingtaine de fermes de petits mammifères de basses-cours participent au projet. Une enquête sérologique est menée auprès de plusieurs espèces de mammifères, de même que le personnel responsable de leur élevage. L’objectif est de vérifier la présence d’anticorps contre le virus H5N1 indiquant une exposition passée. Des échantillons d’eaux usées sont aussi prélevés aux alentours des fermes pour détecter le virus.
« Notre souhait est de pérenniser et d’élargir cette cohorte « Une seule santé » afin de mettre en place éventuellement un système de surveillance sentinelle visant à détecter rapidement la transmission interespèces pour la grippe aviaire ou d’autres agents infectieux. Les éleveuses et éleveurs sont en première ligne de cette surveillance », explique la professeure Lessard, qui est aussi cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire sur la santé et les services sociaux pour les populations rurales (CIRUSSS) de l’UQAR.
Un autre volet de cette recherche qu’elle mène avec la chercheuse Emmanuelle Bouchard-Bastien, professeure associée à l’UL et conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec, porte d’ailleurs sur les défis rencontrés par les éleveuses et éleveurs dans l’application des mesures de protection et de biosécurité visant à contrer le virus, et sur leur perception liée à la mise en place d’une future cohorte. En outre, cette recherche permet d’expérimenter les défis de la recherche intersectorielle touchant l’environnement, les animaux et les humains. Précrisa travaillera ensuite avec ses partenaires pour tenter de lever les obstacles à la recherche en prévention des crises.
Selon la professeure Lessard, le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que les coupures en santé publique renforcent le besoin d’avoir nos propres données et connaissances au Québec et au Canada sur des menaces émergentes comme la grippe aviaire. « L’OMS coordonne la réponse globale aux urgences sanitaires. Or, une bonne coordination passe nécessairement par une surveillance d’agents infectieux comme le H5N1. »
Simulations
Dans les prochaines semaines, Précrisa va tenir des simulations de crises réunissant ses membres et ses partenaires. Celles-ci prendront la forme de rencontres visant le partage d’expertise et l’identification des connaissances manquantes ou devant mieux être mises en valeur pour être davantage en mesure de faire face aux prochaines crises sanitaires, comme de nouveaux agents infectieux, les feux de forêt, les inondations, les épidémies et les vagues de chaleur extrême.
Ces simulations seront également un espace de transfert de connaissances. « Il est important de favoriser la mobilisation des savoirs, y compris les savoirs citoyens, afin de nous doter d’une gouvernance de la recherche agile pour mieux soutenir la prise de décision lors d’une crise », conclut la professeure Lessard. Lancé en 2024, Précrisa est financé par le Fonds de recherche du Québec, secteur Santé.
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