C’est par une préoccupation vécue dans son milieu de pratique qu’elle a trouvé sa voie de chercheuse. La professeure en sciences de la santé à l’UQAR, Nathalie Maltais, était infirmière clinicienne en pédiatrie et en pédopsychiatrie. Elle était confrontée à une réalité : la minimisation des signes de détresse chez les enfants par leur entourage immédiat et par les intervenantes et intervenants du milieu de la santé.
« Une des manifestations des signes de détresse est l’expression de propos suicidaires, explique la chercheuse. Si un enfant ou une ou un jeune exprime son intention de mettre fin à ses jours, c’est qu’il est en détresse. Il faut s’arrêter et prendre le temps de comprendre cette détresse. Ces mots-là camouflent une souffrance. »
Au début de ses études, elle pense à créer un formulaire pour évaluer les situations, mais « un formulaire, ce n’est pas ce qui fait que nous sommes dans l’être avec l’autre, de comprendre la détresse de l’autre, d’adopter une approche humaine », constate-t-elle.
Elle adopte donc la théorisation ancrée pour mieux comprendre le processus de l’évaluation et, ultérieurement, mieux intervenir. La théorisation ancrée est une méthode de recherche qualitative où l’on construit une théorie à partir des données obtenues auprès des personnes participantes (ce que les gens disent, font, ressentent). Il s’agit d’une méthode qui permet de comprendre les phénomènes complexes ou humains. La chercheuse guide son analyse par ce que le terrain lui envoie. Elle observe, questionne, documente.
À partir du verbatim des entretiens qu’elle fait, elle schématise le déroulement du processus qui comprend les diverses influences entre les caractéristiques du personnel infirmier et celles des jeunes et de leurs familles.
« Le réflexe en est souvent un de déni et de minimisation (elle ou il ne le fera pas, elle ou il dit tout le temps cela, etc.), mais la réalité est plus complexe et notre rôle est de comprendre ce qui se cache derrière ces paroles. D’un autre côté, il importe également de saisir le sentiment de l’intervenante ou de l’intervenant », poursuit madame Maltais.
« Lorsqu’une ou un jeune exprime une grande détresse, comme intervenante, je dois l’aider à comprendre cette détresse, mais je dois aussi mettre en place des choses pour assurer sa sécurité », explique-t-elle.
Elle aborde la question du langage sécuritaire à privilégier lorsqu’il est question du suicide. « On ne commet pas un suicide et on ne manque pas sa tentative de suicide, donne-t-elle en exemple. Nous devons rester neutres. » Il faut également mettre la personne, l’humain au centre du processus. « Nous n’identifiions pas la personne comme étant suicidaire, nous parlons de quelqu’un qui présente des pensées suicidaires et qui vit des difficultés », ajoute-t-elle.
Couvrir tous les aspects de la prévention du suicide
« La prévention du suicide me passionne », lance Nathalie Maltais. Il est difficile d’en douter lorsque nous l’écoutons parler de ce sujet. Elle est engagée. D’ailleurs, elle n’hésite pas à investir temps et argent personnels dans ses travaux.
« Je suis contente de pouvoir contribuer pleinement à la prévention du suicide et d’avoir la chance de couvrir plusieurs aspects du sujet », indique-t-elle, ajoutant qu’elle s’intéresse aux parents, aux milieux cliniques, aux enfants et aux adolescentes et adolescents.
Récemment, Nathalie Maltais a obtenu la présidence du Comité international infirmier en santé mentale, créé par le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF).
L’équipe de recherche de la professeure composée, entre autres, de collègues du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE), vient aussi de recevoir un financement de 225 000 $ sur trois ans du Fonds de recherche du Québec pour poursuivre, PREVENS, le projet de recherche sur la prévention du suicide chez les filles de 14 à 19 ans en milieu rural.
De plus, elle a été l’instigatrice de la formation Noémie qui vise toute personne intervenant auprès d’enfants de moins de 13 ans. La professeure y aborde le sujet du processus d’évaluation du risque suicidaire (PERS) chez les enfants afin d’aider les personnes intervenantes à mieux comprendre leur détresse et assurer leur sécurité. Cette formation est basée sur les travaux de la thèse de doctorat de Nathalie Maltais qui s’intitulait : Comprendre le processus d’évaluation du risque suicidaire auprès des moins de 12 ans selon une perspective infirmière.
La professeure qui a obtenu son doctorat en 2020 propose également une série de baladodiffusion intitulée Parler pour vivre dédiée à la prévention du suicide. Ces enregistrements, destinés aux professionnelles et professionnels de la santé et aux familles, abordent des sujets variés tels que la compréhension de la mort chez les jeunes, des discussions avec des familles ayant vécu ces situations, le repérage de la détresse ainsi que le plan de sécurité à mettre en place. Les épisodes sont disponibles sur Spotify, à partir du site Internet de la communauté sur les Avancées, les Ressources et les Recherches Infirmières pour la Vie des Enfants (ARRIVE).
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