Dépolluer les océans… avec des insectes!

La dégradation du plastique représente l’un des grands défis environnementaux actuels. Une équipe de l’Université du Québec à Rimouski, de l’Institut des sciences de la mer et de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal vient de lancer un projet qui s’attaque à la fois à la pollution générée par les microplastiques (MPs) et à la durabilité de l’aquaculture. Comment? En utilisant les ténébrions meuniers, ces petits insectes souvent associés au compostage.

Les MPs sont de minuscules particules issues de la dégradation des plastiques qui contaminent les océans, les espèces aquatiques et même les produits de la mer destinés à la consommation humaine. « Ils agissent comme vecteurs de contaminants toxiques. Les MPs constituent ainsi un risque physique pour les organismes en libérant des additifs qui sont utilisés par l’industrie pour leurs propriétés antioxydantes, anti-ultraviolets ou antiadhésives, par exemple. Ces substances peuvent représenter un risque pour la croissance, la reproduction et la survie des organismes marins », explique le professeur Youssouf Djibril Soubaneh.

L’équipe de recherche souhaite évaluer si les ténébrions peuvent jouer un rôle dans la bioremédiation des MPs et s’ils peuvent être utilisés comme source de nourriture alternative pour les crevettes d’élevage, tout en garantissant leur innocuité. « Nous allons aussi analyser quels sont les risques pour la santé des crevettes aquacoles qui sont nourries avec des ténébrions ayant ingérés des MPs et comment on peut optimiser ce processus de bioremédiation des microplastiques par l’utilisation de ténébrions comme source de nourriture », indique la professeure en pathologie vétérinaire Marie-Odile Benoit-Biancamano de la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM.

Concrètement, l’équipe de recherche va évaluer la capacité des ténébrions à ingérer et à fragmenter les microplastiques. « Nous utiliserons des techniques de pointe comme la radiomarquage au carbone 14 pour suivre la dégradation et la bioaccumulation. Dans un deuxième temps, nous allons examiner les effets de la consommation de ces insectes sur la santé de crevettes d’élevage, la Litopenaeus vannamei, qui est une espèce clé de l’aquaculture au Canada », précise la professeure en hygiène des denrées alimentaires de l’UdeM Fanny Renois.

Les chercheuses et chercheurs analyseront par ailleurs la présence de polluants dans les tissus, les impacts sur la croissance, la santé et le métabolisme ainsi que le transfert potentiel dans la chaîne alimentaire. « En proposant une approche circulaire alliant dépollution et nutrition, cette recherche ouvre la voie à de nouvelles stratégies pour valoriser les déchets plastiques et repenser la chaîne alimentaire aquacole, dans un contexte marqué par les défis du changement climatique », observe le professeur en écotoxicologie Zhe Lu.

Le professeur Youssouf Djibril Soubaneh. (Photo : Stéphane Lizotte)

L’équipe souhaite recruter une ou un candidat au doctorat en océanographie dans le cadre de ce projet de recherche. Une bourse d’excellence d’une valeur de de 66 000 $ (soit 22 000 $ par années durant trois ans) sera octroyée par l’ISMER à la personne choisie.

Si l’utilisation de la farine de ténébrions comme alternative de protéine alimentaire durable est bien documentée dans la littérature scientifique, il y a peu d’études qui s’intéressent aux risques de ces farines comme vecteurs de transfert de microplastiques, conclut le professeur Soubaneh. « Le potentiel des larves de ténébrions meuniers de même leurs impacts sur la dégradation des MPs dans les milieux aquatiques demeurent mal compris. C’est ce que notre projet de recherche propose d’explorer. »

Ce partenariat de recherche découle de la volonté de l’UQAR et de l’UdeM d’unir leurs expertises scientifiques dans le contexte de la délocalisation du programme de doctorat en médecine vétérinaire à Rimouski. L’étudiante ou l’étudiants au doctorat en océanographie qui fera partie de l’équipe sera d’ailleurs dirigé par des professeures et professeurs des deux universités. Le projet de recherche va se poursuivre jusqu’en 2028.

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