Il faut beaucoup de volonté et de courage pour décider de faire sa vie dans un autre pays que celui de son enfance. Et la personne qui immigre peut souvent rencontrer plusieurs surprises et obstacles avant de bien se sentir établie dans son pays d'adoption...

Lors d'une conférence organisée conjointement par l'Association des retraités de l'UQAR et l'Association des aînées et aînés de l'UQAR, le 27 février 2015, trois personnes qui ont immigré dans la région de Rimouski ont bien voulu raconter leur expérience personnelle. Ces trois immigrants proviennent respectivement d'Iran, du Togo et de la Tunisie.

Mahnaz Fozi est arrivée d'Iran. Même si elle avait l'équivalent d'une formation universitaire, son diplôme en laboratoire médical n'a jamais été reconnu au Québec. Elle a vécu le cercle vicieux : diplôme non reconnu, pas d'embauche... Pas d'embauche, impossible d'acquérir de l'expérience... Plutôt que de recommencer à zéro, elle s'est spécialisée, à compter de 1998, dans l'accueil des immigrants et des étudiants provenant de l'étranger, dans le cadre d'une organisation qui s'appelle Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent (AIBSL). Mme Fozi est devenue depuis ce temps, disons-le, une personnalité indispensable dans le Bas-Saint-Laurent.

Lucien Adambounou était un tout jeune étudiant, au Togo en 1973, quand il a obtenu, grâce à ses bonnes notes, une bourse étrangère de l'ACDI, ce qui lui a permis de venir étudier au Québec. En plus de ses études, au Collège Brébœuf puis à l'Université Laval, en sciences de l'agriculture, il a profité à fond de son expérience canadienne : séjour anglophone au Nouveau-Brunswick, voyage pour découvrir l'Ouest canadien. Il a aussi épousé une étudiante d'origine portugaise, avec qui il a eu deux enfants. C'est un poste de professeur en biologie à l'UQAR, avec une spécialité en agro-alimentaire, qui l'a attiré à Rimouski, en 1983. Il y a fait sa vie et sa carrière, prenant sa retraite en 2012. « Ma famille a joué un rôle important dans mon intégration, dit-il. Aussi, mon défi a toujours été d'être utile dans la société, de faire de mon mieux. »

En provenance de Tunisie, Chakib Labidi est arrivé à Rimouski en 2009, pour faire des études à l'UQAR en administration. Il avait auparavant travaillé dans l'industrie hôtelière. Il est maintenant directeur du marketing chez Dickner, une entreprise de vente de fournitures commerciales et industrielles et de location d'équipements spécialisés. « C'est possible de faire sa place comme immigrant, explique-t-il, mais il faut souvent faire les premiers pas, être créatif, s'afficher publiquement. » En jouant au soccer ou en s'impliquant dans des activités sociales, il a appris à apprivoiser la société régionale.

La contribution de Chakib a été remarquée, non seulement pour souligner la présence de la compagnie Dickner dans son milieu, mais aussi pour lancer des activités dynamiques : mise sur pied du Premier Salon Industriel du Bas-Saint-Laurent, en avril 2014; organisation d'une marche au profit de la Fondation du Cancer du sein; promotion en appui à l'équipe de hockey l'Océanic. Il travaille aussi à développer un nouveau site web pour sa compagnie, ce qui permettra d'offrir plus de 45 000 produits en ligne.

Selon les trois intervenants, l'intégration des immigrants passe beaucoup par l'emploi. Le travail au quotidien, et le salaire qui vient avec, facilitent grandement la qualité de la vie et les rapports harmonieux avec le nouvel entourage. Une attention spéciale devrait aussi être apportée aux politiques protectionnistes dans certains domaines d'emploi (dans le domaine des corporations professionnelles en particulier) et aussi aux tests de français (rédigés en français de France...!) qui sont exigés pour les immigrants.

Accueil et intégration BSL

Implanté dans les locaux de l'UQAR, Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent a pour mission de faciliter l'accueil et l'intégration socio-économique des personnes immigrantes. Une telle mission comporte différents volets : l'attraction, l'accueil et l'établissement, l'intégration par des activités interculturelles et les services offerts aux entreprises.

Chaque année, en plus des liens personnalisés, différentes activités publiques sont organisées : le Mois de l'histoire des Noirs, la Semaine d'action contre le racisme, le Festival interculturel, etc. Environ 800 ateliers interactifs se sont aussi déroulés dans les écoles du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Également, un livre de contes pour enfants ainsi qu'un DVD ont été publiés, en collaboration avec l'humoriste Boucar Diouf. Une telle initiative a valu une reconnaissance nationale à l'organisme.

Annuellement, explique Mme Fozi, environ 50 000 immigrants choisissent le Québec. Plus de 80 % s'installent dans la région de Montréal, 5 % dans la région de Québec et moins d'un demi % dans la région bas-laurentienne (soit environ 150 personnes).

En 2011, le Bas-Saint-Laurent comptait 2300 personnes immigrantes, soit un peu plus de 1 % de la population. Au Québec, ce pourcentage grimpait à 12 %. Au Bas-Saint-Laurent, les immigrants s'établissent dans la région de Rimouski dans une proportion de 40 %, contre 15 % à Rivière-du-Loup et 15 % à Matane.

Pour faire un portrait actuel de l'immigration québécoise, on pourrait dire que sur 100 nouveaux arrivés, 32 proviennent des pays asiatiques, 31 de l'Afrique, 21 des Amériques et 16 de l'Europe. Ajoutons que 69 % ont entre 15 et 44 ans, que 60 % ont un niveau d'études postsecondaires, 61 % parlent le français et 36 % sont bilingues.

Selon Mahnaz Fozi, l'intégration des immigrants dans une région comme le Bas-Saint-Laurent peut être bénéfique sous plusieurs aspects. « Cela permet d'accroître le pluralisme de la société et de diminuer le déclin démographique. Aussi, en les embauchant, les entreprises régionales disposent d'une valeur ajoutée, car les immigrants sont souvent des personnes dynamiques, prêtes à créer des liens avec l'étranger, à développer de nouveaux marchés. Les entreprises ont intérêt à mieux reconnaître les diplômes et les expériences venant d'ailleurs. Elles en sortiront gagnantes. »