Originaire de la municipalité de St-Jean-de-Dieu dans les Basques au Bas-Saint-Laurent, le diplômé en travail social, José-Carl St-Jean, travaille aujourd’hui auprès des gens en fin de vie. Rencontre avec un diplômé engagé au grand coeur travaillant à la Maison Desjardins de soins palliatifs du KRTB, un organisme
à but non lucratif voué à l’accueil, à l’hébergement, aux soins et à l’accompagnement des personnes
en fin de vie ayant un diagnostic de maladie incurable, et ce, dans un environnement adapté à leurs besoins et à ceux de leurs proches.

 M. José Carl St-Jean, infirmier de chevetM. José Carl St-Jean, infirmier de chevetQuel est votre rôle à la Maison Desjardins?

Je suis infirmier de chevet. Mon rôle consiste à m’occuper des soins d’hygiène de base du patient et l’évaluation des symptômes de douleur non contrôlés de tous ordres, de rétablir le patient et de le rendre plus confortable. Je dois également m’occuper des familles qui arrivent souvent déstabilisées, émotionnellement affectées et souvent fatiguées, car ce sont souvent
des proches aidants qui s’occupent des malades depuis parfois très longtemps. Mon baccalauréat en travail social m’a permis de retourner en soins palliatifs en travaillant à deux niveaux : auprès du patient, mais également auprès de sa famille.

Pourquoi avoir entrepris des études au baccalauréat en travail social à l’UQAR?

Mon oncle est décédé en 2013 après six ans de soins et ma mère est décédée l’année suivante en 2014. Bien que je ne le savais pas à l’époque, j’étais en fatigue de compassion. Complètement épuisé, je fonctionnais alors parfaitement pour les soins cliniques comme un robot, mais j’étais devenu plus froid,
légèrement moins empathique. Le phénomène de la fatigue de compassion est assez récent et plutôt
méconnu. Il s’agit d’un épuisement qui affecte les personnes qui côtoient et accompagnent des gens dont
l’histoire est marquée de souffrances humaines. L’écoute jour après jour de récits dramatiques épuise leur énergie vitale. Leur équilibre physique, psychologique et émotionnel est alors perturbé.

Je me suis donc retrouvé devant le choix suivant : faire Compostelle, faire un burnout ou entreprendre des études en travail social pour mieux comprendre ce qui se passait en moi dans le cadre de ma vie, mon travail. Être proche aidant à temps complet, travailler comme infirmier dans une maison de soins palliatifs, disons que je ne m’étais pas ménagé au cours des dernières années!

Mon baccalauréat en travail social m’a permis de travailler sur moi-même. J’y ai également découvert un tout autre point de vue que celui des soins infirmiers. Un genre de thérapie qui m’a également offert la chance de prendre un réel moment d’arrêt pour moi, suite à mes nombreuses années comme aidant naturel. Ça change complètement une vie. D’ailleurs, ma conjointe et ma fille avaient généreusement accepté de m’appuyer dans cette démarche d’aidant naturel.

Mon baccalauréat en travail social est également un baccalauréat en communication et relation d’aide me permettant d’avoir plus d’outils pour travailler en soins palliatifs auprès des familles. Ma formation en sciences infirmières m’a permis de pallier le volet clinique de mes tâches, et ma formation en travail social m’a permis de couvrir un volet différent. Ayant été aidant naturel pendant de nombreuses années auprès d’une personne qui m’était proche, je comprends bien ce que ressentent les gens qui vivent cette réalité à la fois émotionnellement difficile et très contraignante pour la famille. Ma formation à l’UQAR a complètement changé ma façon d’aborder le travail au niveau de l’approche du patient et de sa famille.

Travailler dans un milieu pareil demande certainement une bonne dose d’humanité et de compassion. Comment fait-on pour fonctionner jour après jour?

Il faut définitivement avoir d’autres passions et penser à autre chose pour recharger les batteries. J’ai vécu les extrêmes et malgré mes connaissances et mes nouveaux outils, il m’arrive de me sentir fragile là-dedans. Ça me permet aussi de prendre soin de mes collègues et de détecter des situations qui peuvent devenir problématiques. C’est exactement la même chose avec les familles qui vivent de la fatigue de compassion, car ils ont trop donné. Il faut protéger ce monde-là, les remonter et non les juger. J’utilise même parfois l’humour de manière intelligente afin de donner une couleur différente à mes interventions.

La Maison Desjardins porte actuellement un projet de Centre de jour spécialisé en soins palliatifs. Par ce nouveau service, la Maison souhaite contribuer au développement des services de maintien à domicile. C’est important selon vous?

Ce projet est très important, car il complète bien une maison de fin de vie. J’ai pu en visiter une dans la région montréalaise et ça m’a convaincu. Cela permet de faire différentes activités comme des massages, rencontrer un psychologue ou des médecins en externe, une travailleuse sociale et, ce qui est intéressant, c’est que ça permet aux gens de se rencontrer pour dialoguer ensemble, se remonter
le moral. De riches échanges qui font en sorte que l’on oublie que les gens sont malades, que nous travaillons avec la vie.

Que retenez-vous de votre formation à l’UQAR?

Ce que je retiens surtout, ce sont mes professeures et professeurs. Ils sont toutes et tous marquants à leur façon. Lorsque j’ai rencontré la professeure Ève Bélanger lors de mon inscription à l’UQAR, cela a cliqué immédiatement. Une personne extraordinaire avec le sourire qui travaille également en soins palliatifs à la Maison Marie-Élisabeth de Rimouski. Marc Boily m’a également beaucoup aidé. Leur apport
de connaissances et de compassion arrivait à un bon moment pour moi. Cette formation a été difficile, car
j’effectuais un retour aux études à 44 ans tout en ayant perdu ma mère récemment. Les premières semaines ont été difficiles, mais les professeures et professeurs m’ont aidé à relever le défi.

On vous qualifie souvent d’ange bienveillant par les familles des malades. Qu’est-ce ce que cela signifie pour vous?

Je ne fais que mon travail en réalité. Je ne suis pas un ange cependant. J’applique surtout le principe de « donner au suivant », par solidarité. Parfois, je suis en admiration devant mes collègues en raison de la façon dont ils agissent. La famille qui s’occupe d’un malade durant plusieurs semaines, mois ou années, elle mérite réellement une reconnaissance. 

Nous avons également ici la chance de pouvoir compter sur plusieurs bénévoles en soins palliatifs qui
méritent toute notre admiration. Souvent oubliés, ces personnes proviennent régulièrement de secteurs en dehors de celui de la santé. Ils arrivent dans un milieu qu’ils ne connaissent pas du tout et se lancent dans un environnement mystérieux comme la mort. Je rencontre régulièrement des gens extraordinaires et j’ai une admiration sans bornes pour eux qui ne sont même pas payés pour côtoyer de grandes difficultés vécues par les malades et les familles de ceux-ci. On ne les remerciera jamais assez.