Maryse Beaumier est une spécialiste du soin des plaies. Professeure en sciences infirmières, elle a développé un outil de prédiction clinique visant, entre autres, à éviter des amputations aux membres inférieurs lorsque le choix d’un traitement de plaie est à faire. Parcours d’une pionnière dont les travaux de recherche sont reconnus tant au Canada que dans la francophonie.

C’est depuis son tout jeune âge que Maryse Beaumier est attirée par le domaine de la santé. « C’est viscéral en moi. Même quand j’étais jeune, j’étais quelqu’un qui prenait soin des gens. Il est important pour moi que les travaux de recherche que je mène et ce que j’enseigne à mes étudiantes et à mes étudiants se traduisent dans les milieux cliniques pour améliorer la condition des gens porteurs de plaies. »

L’intérêt de Mme Beaumier pour le soin des plaies est venu dans les années 1990. À l’époque, elle travaillait en réadaptation auprès de personnes âgées afin de favoriser leur maintien à domicile. L’état des pieds de plusieurs patientes et patients a incité la jeune infirmière à suivre un cours de soins en podologie. Pendant sept ans, elle a d’ailleurs eu sa propre entreprise de soins à domicile en soins infirmiers généraux, en soins palliatifs ainsi qu’en soins des plaies et des pieds.

La rencontre d’un patient, aussi aidant naturel pour sa conjointe, a changé le parcours de Maryse Beaumier. C’était au début des années 2000, lors du congé de la fête du Travail. Diabétique, l’homme était soigné à domicile pour une plaie infectée à un orteil. « Je connaissais le soin des plaies, car j’étais impliquée dans Wounds Canada depuis plusieurs années y siégeant, entre autres, au conseil d’administration. Je savais intuitivement, à l’époque, qu’il ne fallait pas mettre d’humidité en cas de plaie artérielle afin d’éviter que l’infection progresse. Malheureusement, pendant mon absence, une collègue croyait que traiter avec un pansement favorisant l’humidité sur l’orteil était le traitement de choix, estimant que je m’étais trompée. À mon retour au travail, le mardi, l’orteil est resté dans le pansement lorsque je l’ai défait. Comme l’infection a monté dans la jambe durant ces trois jours, le monsieur s’est fait amputer en bas du genou après sa rencontre avec le chirurgien vasculaire, le mercredi. Les longs séjours d’hospitalisation et de réadaptation de cet aidant naturel ont conduit son épouse à un placement en CHSLD. »

Si cet événement a convaincu Maryse Beaumier de l’importance de mieux faire connaître le soin des plaies, le traitement d’une autre patiente l’a poussée à vouloir réaliser un doctorat en sciences biomédicales à l’Université de Montréal afin de valider scientifiquement ses intuitions de traitement. Ayant le même type de plaies au pied que le patient ayant subi une amputation, cette dame en fin de vie était inopérable. Mais grâce à un traitement de ses plaies en milieu sec, celle-ci a pu terminer ses jours sereinement à domicile entourée de ses filles.

Maryse Beaumier a ainsi créé un outil de prédiction clinique de la vascularisation artérielle insuffisante aux plaies des pieds. « Avec le vieillissement de la population, près de 70 à 80 % des plaies s’attardent aux membres inférieurs et de celles-ci, de 20 à 30 % sont des plaies artérielles », indique l’infirmière originaire de Trois-Rivières. « La première chose à savoir quand on regarde une plaie, c’est s’il y a suffisamment d’apport artériel pour la cicatriser. L’outil devrait y contribuer et aider à savoir s’il faut effectuer un traitement de la plaie en milieu humide ou en milieu sec. » 

L’expertise de la professeure Beaumier lui a valu de collaborer à la rédaction de l’ouvrage Pratiques exemplaires en soins des plaies de novice à expert publié récemment. Sa collègue Julie Gagnon, professeure en sciences infirmières à l’UQAR, a également participé à la rédaction de ce livre de référence. « Il y a une immensité de plaies. C’est un domaine qui demeure en émergence avec le développement des connaissances », souligne la professeure Beaumier, laquelle a été invitée, notamment, à donner un cours à la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HED-SO) en 2019.

La professeure Beaumier est très impliquée au Canada et à l’international en siégeant, notamment, au conseil d’administration du Canadian Lymphoedema Framework, une filiale de Wounds Canada, pour d’autres types de problèmes vasculaires aux membres inférieurs. De plus, elle est première autrice des meilleures pratiques canadiennes pour le soin des plaies artérielles, lesquelles ont été publiées en 2020 et seront révisées pour 2023.

L’Institut canadien de l’information sur la santé a reconnu le soin des plaies comme un enjeu de santé publique. « Qu’on travaille en CHSLD, en soins à domicile, en hémodialyse, en services courants ou en unité de médecine de chirurgie, le soin des plaies est un dénominateur commun », observe la professeure Beaumier. Un cours de 45 heures sur le soin des plaies fait maintenant partie du programme DEC-BAC en sciences infirmières offert à l’UQAR. Un autre type de cours est par ailleurs enseigné directement aux infirmiers et aux infirmières du réseau de la santé avec des ententes avec les Centres de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches et du Bas-Saint-Laurent en collaboration avec le Service de la formation continue et de la formation hors campus de l’UQAR.

C’est en 2020 que Maryse Beaumier s’est jointe à l’UQAR comme professeure en sciences infirmières. Auparavant, elle a été professeure à l’UQTR pendant onze années. Tout en poursuivant ses travaux de recherche et ses cours, elle planche présentement sur la rédaction d’un ouvrage sur les enjeux de la formation, des pratiques professionnelles et de l’organisation des services de santé en soins des plaies. Intitulé « Petit bobo deviendra grand », le livre devrait être publié aux Presses de l’Université du Québec en 2024.