Le Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural fait figure de précurseur avec son approche qui marie les connaissances universitaires et le vécu des personnes. Un croisement des savoirs qui ouvre de nouvelles perspectives en travail social.

Le professeur Jean-Yves Desgagnés et la professeure Lorraine Gaudreau sont à l’origine de ce projet de recherche non conventionnel. Se sont jointes à eux, au fil du temps, leurs collègues Lucie Gélineau, Cécile Cormier, Julie Richard, Sastal Castro-Zavala et Marietou Niang. Le Collectif compte également sur la contribution de sept autres cochercheuses et cochercheurs, dont trois sont issus des milieux de la pratique et quatre sont des citoyennes et des citoyens engagés.

La professeure Lucie Gélineau, l’une des piliers du Collectif, explique que celui-ci est né d’une volonté du milieu de rassembler autour d’une même table des expertes et des experts de vécu, de la pratique et du milieu universitaire. Ainsi, participent à la vie intellectuelle et aux projets de recherche du Collectif des gens qui vivent en situation de pauvreté, des praticiennes et des praticiens des milieux communautaire et gouvernemental des services sociaux et de la santé, des personnes élues ainsi que des chercheuses et des chercheurs universitaires. C’est ce que l’on appelle le croisement des savoirs. 

Julie Richard est professeure et chercheuse en travail social à l’UQAR au campus de Lévis. Elle cache mal son enthousiasme quand elle parle des travaux du Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural. « Je m’intéresse au Collectif depuis longtemps déjà. C’est avec ravissement que je me suis jointe à l’équipe en place. L’idée de nourrir la pratique et d’amener des transformations sociales, voire une plus grande justice sociale, à l’aide de connaissances issues du milieu me rejoint beaucoup », précise-t-elle.

La professeure Richard poursuit : « Nous nous intéressons à l’expérience des gens. Nous avons ainsi un portrait plus juste qui dépasse la statistique. Nous avons accès à des subtilités importantes, mais impossibles à saisir autrement qu’en croisant les savoirs. »

Parmi les nombreuses actions réalisées par le Collectif, notons l’organisation de forums sur la pauvreté et la ruralité, la réalisation d’une trousse à outils destinée aux décideurs visant l’intégration de la perspective de la lutte contre la pauvreté dans la gestion de la politique municipale, la création de communautés de pratique, la rédaction d’un chapitre dans un livre de référence international dans le domaine du travail social et une formation auprès du Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire en CISSS et CIUSSS. Sans compter le projet de livre qui est en cours.

Croiser les savoirs

« Nous déployons des projets qui font se croiser les savoirs dans les processus et ce n’est pas si simple », souligne Mme Gélineau. « Le savoir académique n’est pas exclusif. Il y a plusieurs savoirs. Juste cette idée vient secouer quelque peu les colonnes du temple », image-t-elle.

Il s’agit d’une façon de travailler peu commune au Québec. Démocratiser l’univers de la production de connaissances et reconnaître la diversité de savoirs qui existent commande un changement de paradigme.

Par ailleurs, cette façon de travailler demande le recours à des moyens inhabituels pour atténuer les freins à la participation.

La rigueur au cœur des enjeux

Le biais d’engagement est au cœur des réflexions du groupe. « Le recours à une pratique réflexive teinte la couleur du collectif », explique Lucie Gélineau. « La recherche n’est jamais totalement neutre. Nous sommes guidés par nos valeurs, nos croyances et notre vision de la contribution des savoirs au changement social. L’essentiel est de prendre conscience de ce biais, de penser ensemble, judicieusement, les processus collectifs de production de connaissances », conclut-elle. Selon la professeure Gélineau, la proximité n’exclut pas la rigueur. Oser se questionner et documenter les façons de faire, légitiment la démarche et contribuent à sa crédibilité.